Chapitre 2

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  Pour la première fois, je sentis qu'il allait arriver quelque chose d'étrange, de nouveau. Il me sembla qu'il faisait froid, que l'air s'épaississait, que la nuit, que ma nuit bien-aimée, devenait lourde sur mon cœur. L'avenue était déserte, maintenant. Seuls, deux sergents de ville se promenaient auprès de la station des fiacres, et, sur la chaussée à peine éclairée par les becs de gaz qui paraissaient mourants, une file de voitures de légumes allait aux Halles. Elles allaient lentement, chargées de carottes, de navets et de choux. Les conducteurs dormaient, invisibles ; les chevaux marchaient d'un pas égal, suivant la voiture précédente, sans bruit, sur le pavé en bois. Devant chaque lumière du trottoir, les carottes s'éclairaient en rouge, les navets s'éclairaient en blanc, les choux s'éclairaient en vert ; et elles passaient l'une derrière l'autre, ces voitures, rouges d'un rouge de feu, blanches d'un blanc d'argent, vertes d'un vert émeraude. Je les suivis, puis je tournai par la rue Royale et revins sur les boulevards. Plus personne, plus de cafés éclairés, quelques attardés seulement qui se hâtaient. Je n'avais jamais vu Paris aussi mort, aussi désert...

Je tirai ma montre, il était deux heures.
Une force me poussait, un besoin de marcher. J'allai donc jusqu'à la Bastille. Là, je m'aperçus que je n'avais jamais vu une nuit si sombre, car je ne distinguais pas même la colonne de Juillet, dont le Génie d'or était perdu dans l'impénétrable obscurité. Une voûte de nuages, épaisse comme l'immensité, avait noyé les étoiles, et semblait s'abaisser sur la terre pour l'anéantir.
Je revins. Il n'y avait plus personne autour de moi. Place du Château-d 'Eau, pourtant, un ivrogne faillit me heurter, puis il disparut. J'entendis quelques temps son pas inégal et sonore. J'allais. A la hauteur du faubourg Montmartre, un fiacre passa, descendant vers la Seine. Je l'appelais. Le cocher ne répondit pas. Une femme rôdait près de la rue Drouot : "Monsieur, écoutez donc." Je hâtai le pas pour éviter sa main tendue. Puis plus rien. Devant le Vaudeville, un chiffonnier fouillait le ruisseau. Sa petite lanterne flottait au ras du sol.

-Quelle heure est-il, mon brave ?

-Est-ce que je sais ! J'ai pas de montre.

Alors je m'aperçus tout à coup que les becs de gaz étaient éteints. Je sais qu'on les supprime de bonne heure, avant le jour, en cette saison, par économie ; mais le jour était encore loin, si loin de paraître ! « Allons aux Halles, » pensai-je, là au moins je trouverai la vie.

Je me mis en route, mais je n'y voyais même pas ([...] je n'y voyais guère) pour me conduire. J'avançais lentement, comme on fait dans un bois, reconnaissant les rues en les comptant. Devant le Crédit Lyonnais, un chien grogna. Je tournai par la rue de Grammont, je me perdis ; j'errai, puis je reconnus la Bourse aux grilles de fer qui l'entourent. Paris entier dormait, d'un sommeil profond, effrayant. Au loin pourtant un fiacre roulait, un seul fiacre, celui peut-être qui était passé devant moi tout à l'heure. Je cherchais à le joindre, allant vers le bruit qu'émettaient ses roues, à travers les rues solitaires et noires, noires... noires comme la mort.

Je me perdis encore. Où étais-je ? Quelle folie d'éteindre si tôt le gaz ! Pas un passant, pas un attardé, pas un rôdeur, pas un miaulement de chat amoureux. Rien. Où donc étaient les sergents de ville ?

-Je vais crier, ils viendront... Ils viennent toujours...

Je criai. Personne ne répondit...J'appelai plus fort. Ma voix s'envola, sans écho, faible, étouffée, écrasée par la nuit, par cette nuit impénétrable. Je hurlai : « Au secours ! Au secours ! Au secours ! »

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