XIX : Justes principes et bonnes décisions

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Chronologie :

2 mai 1998 : Bataille de Poudlard

31 décembre 2001 : Mariage de Ron et Hermione

26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny

20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique

17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter

04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley

25 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter

16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter

Période couverte par le chapitre : 29 mai au 27 juin 2008

Harry et Owen se retrouvèrent comme convenu au QG, en début d'après-midi, et commencèrent à rédiger leur rapport. Harry en avait fait un résumé succinct quand il avait eu son commandant par cheminée – ne serait-ce que pour que Faucett puisse gérer les deux cadavres que Harry et Owen avaient abandonnés derrière eux – mais il était trop épuisé pour rentrer dans les détails. Ensuite, ils envoyèrent une fiche au juge des Écrous – une nouvelle fonction qui découlait de la loi qui avait réformé la procédure judiciaire – pour qu'il puisse statuer sur l'éventuelle détention d'Adrian Benson en attente de son jugement.

— Maintenant, j'aimerais bien savoir d'où elle sort, cette amulette de malheur ! décréta Harry. Tu crois que c'est lui qui l'a enchantée ?

— Pour la montrer après à ses amis ? douta Owen. Mhum, ce genre de sortilège serait plutôt conçu pour extorquer beaucoup d'argent à quelqu'un ou semer la discorde dans un groupe. Or aucun d'eux ne m'a paru très riche, et la victime semblait apprécier ses petits copains collectionneurs.

— C'est vrai que selon les renseignements que nous avons récoltés sur lui, rien ne le prédestine à réaliser un sort de cette puissance, reconnut Harry. Il est donc plus probable qu'il l'ait récupérée telle quelle.

— Mais qui a pu la lui céder ? se demanda Owen. Théoriquement, le précédent propriétaire devait, lui aussi, avoir des réticences à s'en séparer.

— Il a pu la voler, voire tuer quelqu'un pour l'acquérir, supputa Harry.

— Non, ça ne colle pas, opposa Owen. Aucun de ceux qui l'ont arrachée à une autre personne ne tenait à ce que l'on sache qu'il la détenait, sans doute conscient du risque que cela faisait courir. Ethelbard a dû la découvrir sans témoin et ne pas comprendre que l'engouement qu'il ressentait pour elle était de la convoitise. Il l'a trouvée magnifique et a simplement eu envie d'épater ses copains en la leur montrant, sans soupçonner ce que cela allait déclencher. Si on allait demander à Mrs Ethelbard si elle sait quand son mari l'a obtenue ? proposa-t-il.

*

La veuve fut à la fois soulagée de savoir qui avait tué son mari et horrifiée par la raison de son meurtre. Quand elle fut de nouveau en état de leur parler, les enquêteurs expliquèrent leur besoin de déterminer comment son époux s'était procuré l'objet en question.

— Je n'en ai aucune idée. Si j'en juge par votre description, je ne l'ai jamais vue.

— Votre mari ne vous a pas indiqué avoir récupéré une amulette particulièrement belle ou précieuse ?

— Non, pas spécialement.

— Il a dû l'acquérir il y a peu de temps, supposa Owen. Il n'y a aucune raison qu'il ait différé de la montrer aux membres de son club. De quand date leur réunion précédente ?

— Un mois à peu près.

— A-t-il récupéré beaucoup de pièces dans l'intervalle ?

— Non, je ne crois pas. Il a beaucoup travaillé ce mois-ci. Par contre, en avril dernier, il est allé à la Grande Brocante de Pré-au-Lard. Il a vendu et acheté des amulettes et trouvé le meuble dans lequel il range maintenant sa collection.

— Vous a-t-il montré ses acquisitions ?

— Oui, mais il n'y avait rien de particulier.

Le silence retomba pendant que Harry cherchait d'autres pistes à étudier.

— Je sais ! s'écria Owen. Si l'amulette était cachée dans le meuble qu'il a rapporté de la brocante, elle a pu changer de main sans que le maléfice de Convoitise n'entre en jeu. Quant au mari de Madame, il a pu ne la découvrir qu'après la réunion du mois d'avril. Il est alors tombé sous le charme, n'a pas résisté à la tentation de la montrer aux autres quand il les a vus en mai, et tout s'enchaîne.

— Excellente hypothèse, le félicita Harry. Ce genre de meuble a souvent un compartiment secret. Je pense que nous allons procéder à un nouvel examen.

Maintenant qu'ils savaient ce qu'ils cherchaient, il ne leur fallut pas cinq minutes, à l'aide de sorts de repérage, pour découvrir un tiroir dissimulé. Un fort résidu de magie noire de couleur orangée conforta leur supposition.

— Mais d'où venait-elle à l'origine ? interrogea Mrs Ethelbard qui avait suivi leurs déductions avec attention.

— Il faudrait remonter la chaîne des propriétaires pour le découvrir, fit Owen. Celui qui a caché l'amulette dedans pour la conserver est sans doute décédé, ou s'est fait voler le meuble qui a fini par atterrir dans la brocante, sans que personne ne se doute de ce qu'il recelait.

— Allez-vous pouvoir désensorceler cette horreur pour qu'elle ne cause plus de morts ? s'inquiéta la veuve.

— Ce n'était pas possible, elle était bardée de sortilèges de protection trop puissants, expliqua Harry. Nous avons dû la détruire.

— Parfait, fit Mrs Ethelbard manifestement soulagée.

Elle ne posa pas de question sur la façon dont ils s'y étaient pris pour y parvenir, et Harry se sentit un peu vexé qu'elle fasse si peu cas des obstacles qu'ils avaient eu à surmonter pour mettre fin à la malédiction. Mais, après tout, elle ne connaissait rien à la magie noire. C'était un sujet qui ne s'abordait qu'entre collègues. Justement, il était temps de rentrer et de faire le point sur cette affaire avec leur commandant.

*

Alors qu'ils franchissaient la porte du QG, Faucett les interpella du seuil de son bureau :

— Potter, Harper, au rapport !

Ils entrèrent dans l'antre de Faucett, pour recevoir les compliments qu'ils méritaient :

— Mais qu'est-ce qui vous a pris ? Vous êtes tombés sur la tête ? attaqua le commandant à peine la porte refermée.

— Pardon ? demanda Harry après une seconde de saisissement.

— Pourquoi diable avez-vous détruit ce qui constitue la preuve et le mobile du crime ? Enfin, Potter, je pensais que tu étais celui qui ignore le moins que les éléments matériels liés aux infractions doivent être conservés jusqu'au procès. Tu avais pris de l'herbe à lutin, ou quoi ?

— Mais, Commandant, balbutia Harry, cette amulette était extrêmement dangereuse. On a failli s'entretuer à cause d'elle, Owen et moi !

— Et les protections contre la magie noire, c'est fait pour les hippogriffes ? contra Faucett.

— On l'a mise dans un pentacle, et c'était à peine suffisant, argumenta Owen. On n'a pas voulu prendre le risque de contaminer d'autres personnes.

— On aurait bien trouvé une solution ! répondit Faucett agacé.

— C'était pire qu'un Imperium, insista Harry. Et plus on était en contact avec l'amulette, plus ça devenait difficile.

— Benson a été remis en liberté sur parole il y a une demi-heure, leur apprit Faucett.

— On a ses aveux, rappela Harry. Et il a intérêt à parler de l'amulette pour expliquer son geste et espérer une peine légère.

— Il peut aussi revenir sur ses déclarations et demander quelles preuves vous avez contre lui.

Harry dut admettre que cela se présentait moins bien qu'on aurait pu le croire. La signature magique de leur suspect ne correspondait même pas à celle prélevée sur la morte, car celle-ci avait été souillée par le maléfice. Des aveux écrits ne faisaient pas autorité et, s'ils étaient ensuite reniés, les juges pouvaient très bien estimer qu'il subsistait un doute sur la culpabilité.

— Et je n'ai pas de coupable pour les meurtres d'Ethelbard ni de Purkiss, ajouta le commandant d'une voix mécontente.

— Ce n'est pas de notre faute si leurs assassins respectifs se sont fait tuer à leur tour, protesta Owen.

— On n'a pas encore tous les résultats. Dukelow et Benson ont peut-être laissé des traces sur leur scène de crime, tenta de positiver Harry.

— Pour le moment, j'ai trois cadavres et un accusé contre lequel on n'a pas grand-chose, résuma impitoyablement Faucett. J'espère pour vous que nous trouverons des éléments utiles avant l'audience, sinon on va se faire laminer.

— Quand Benson a-t-il été libéré ? demanda Harry.

— Il y a plus d'une heure.

— On va tenter de faire parler Roper, proposa Harry. Il a vu l'amulette, il pourra être cité par l'accusation.

— Vous avez intérêt à ce qu'il vous soutienne, grogna Faucett.

La tête basse, Harry et Owen sortirent du bureau du commandant et descendirent dans l'atrium pour transplaner chez l'artisan du bois.

Son épouse leur apprit que son mari était parti travailler, et c'est à son atelier qu'ils le trouvèrent, le visage pâle et les yeux cernés.

— Mr Roper, pourriez-vous nous accorder une minute ?

— Je n'ai rien à vous dire, répliqua l'homme d'une voix dure.

— Mais nous aimerions prendre votre déposition à propos de l'amulette que votre ami Mordaunt Ethelbard vous a montrée l'autre soir, insista Harry.

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

Aucun argument ne put persuader Roper à témoigner.

— Adrian Benson est venu vous voir tout à l'heure ? finit par deviner Harry.

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

— On vous convoquera à l'audience, le prévint Owen. Et si vous vous en tenez à cette version, ce sera un faux témoignage sous serment.

— Je ne sais pas de quoi vous voulez parler, répéta encore l'artisan.

Les Aurors repartirent la rage au cœur.

— Benson n'a pas mis longtemps à reprendre ses esprits, s'irrita Harry.

— Tu crois qu'il sait qu'on a détruit l'amulette ? s'étonna Owen.

— Je ne vois pas comment. Non, je pense que c'est son avocat qui lui a conseillé cette tactique avant d'en savoir davantage sur le dossier.

— Saleté de nouvelle loi ! grogna Owen. Maintenant qu'on n'a plus de témoins ni de mobile à présenter, le commandant va nous sonner les cloches !

— Quoiqu'il en soit, il était hors de question de montrer cette chose à l'audience, soutint Harry.

— Mais notre dossier est foutu ! se désola Owen.

— On n'est pas Aurors pour faire des dossiers, mais pour combattre la magie noire, trancha Harry. Je préfère savoir cette saleté détruite qu'avoir un bon point supplémentaire.

— Toi, tu as plein de bons points d'avance ! fit observer Owen sèchement.

— La question est de te rappeler pourquoi tu es Auror : pour faire carrière ou pour protéger les sorciers contre la magie noire ? répondit calmement Harry.

Il comprenait les sentiments d'Owen, mais il avait davantage que lui l'habitude de voir ses actions remises en cause par ceux qui n'avaient pas tous les éléments en main pour juger correctement les faits. Il prenait donc davantage de recul et se satisfaisait d'avoir accompli ce qu'il considérait comme son devoir.

— Et si Benson n'est pas condamné ? s'inquiéta son partenaire.

— Ce n'est pas un homme vraiment dangereux. En tout cas, pas plus que nous, ajouta-t-il évoquant les envies de meurtre qu'ils avaient ressenties l'un envers l'autre.

— Ça va être la curée, soupira Owen. Tu as lu les journaux ce matin ? La presse est sur l'affaire et on va passer pour des zozos quand ça se conclura par un non-lieu.

— Sans doute, reconnut Harry qui n'était pas plus enchanté. Mais tu sais, ça non plus n'est pas si grave. Les gens oublient et s'intéressent à autre chose. S'il y avait eu des morts supplémentaires parce qu'on avait décidé de gagner ce procès à tout prix, ça serait resté sur notre conscience, alors qu'un article de presse est juste un mauvais moment à passer.

— Tu vas aller expliquer ça à Faucett ? demanda Owen qui semblait vraiment inquiet des suites de cette affaire.

— À l'occasion. Mais ce qu'il pense n'est pas le plus important. Tu comprends ça au moins ?

— Je comprends que tu es le Survivant et que tu peux te permettre d'agir comme ça te chante. Ce n'est pas le cas de tout le monde.

Harry se tourna pour planter ses yeux dans ceux de son collègue et répliqua d'une voix basse mais intense :

— Si je suis encore le Survivant, c'est parce que je m'en suis tenu à ce que je savais être juste, alors même que je n'avais que quinze ans et que tous les journaux me traitaient de menteur. Cette année-là, on m'a envoyé des Détraqueurs pour me mettre hors-jeu, le ministre m'a traîné en justice pour m'expulser du monde magique, et il a ensuite dépêché une Inquisitrice à Poudlard pour me faire taire. Il a même demandé à des Aurors de m'arrêter en prenant l'AD comme prétexte, mais je n'ai pas cédé. Alors effectivement, quand j'ai à choisir entre la sécurité de mes collègues et ma carrière, cela ne présente pas pour moi un dilemme insurmontable. Et ça ne doit pas l'être pour toi non plus !

Owen avait eu un geste de recul et avait pâli sous la diatribe de Harry. Le Survivant se demanda s'il n'y était pas allé un peu fort, puis songea que pour préserver leur amitié, il fallait que certaines choses soient claires. Ses autres amis l'avaient accompagné durant ses combats et savaient à quoi s'en tenir, mais ce n'était pas le cas de son partenaire.

Comme Owen ne répondait pas, Harry inspira profondément pour se calmer puis donna le signal du transplanage pour rentrer au ministère.

*

Les jours suivants ne furent pas très agréables pour Harry. Ses relations avec Owen n'étaient pas conflictuelles, mais avaient perdu de leur spontanéité passée. Son partenaire n'avait plus jamais commenté la décision prise à propos de l'amulette et, comme lui, se contentait de limiter les dégâts et baissait la tête sans tenter de se justifier quand Faucett leur parlait sèchement.

Leur commandant était particulièrement ennuyé par la façon dont les journaux évoquaient l'enquête. La presse, en effet, se délectait de cette histoire. Un mystérieux meurtre, suivi de deux autres qui touchaient des membres d'un même club avait déjà de quoi susciter l'intérêt. La présence de Harry Potter sur l'affaire avait fait espérer une résolution rapide. Durant le bouclage de l'enquête et dans l'attente du jugement, les journalistes avaient tenté d'en apprendre davantage, mais en furent pour leurs frais. Il était évident qu'ils allaient se ruer le jour du procès, et qu'ils seraient au premier rang pour assister à la déroute d'Harry et Owen.

De façon prévisible, l'audience qui se tint trois semaines plus tard ne tourna pas en leur faveur. Leurs enquêtes sur les lieux des crimes étaient parvenues à démontrer que Patricia Dukelow était bien passée chez Gulliver Purkiss et avait bu du thé avec lui. Dans l'autre tasse, on découvrit les restes du poison qui avait tué le brocanteur. Benson, par contre, n'avait laissé aucune trace chez sa victime et les Aurors ne purent fournir aucun élément prouvant que c'était lui qui avait envoyé le Stupéfix qui avait entraîné la noyade de la femme dans sa baignoire.

Après une discussion entre Harry et son commandant, il fut décidé de ne pas faire état de la signature magique trouvée sur le corps. En effet, elle ne correspondait pas complètement à celle de son meurtrier, car elle avait été souillée par la magie malsaine de l'amulette. Ils ne voulaient pas affaiblir leur nouveau mode de preuve qui commençait tout juste à être connu du Magenmagot et qui avait emporté leur conviction dans des affaires précédentes. Par ailleurs, on ne retrouva jamais l'arme qui avait blessé grièvement Mordaunt Ethelbard.

L'avocat de Benson n'avait pas le talent de Bielinski, mais il eut son heure de gloire en mettant le Survivant sur le gril. Ce ne fut pas difficile. Il y avait eu trois crimes dont un seul élucidé, et dont l'auteure était décédée, ce qui éteignait l'action publique. Les Aurors prétendaient que tous ces meurtres en série avaient été entraînés par un objet ensorcelé dont il ne restait aucune trace. Benson et Roper reconnurent avoir admiré les amulettes de feu leur camarade collectionneur, mais assurèrent qu'aucune d'elles ne sortait du lot ni n'avait déclenché chez eux le désir incontrôlable de la posséder.

Harry fit témoigner le professeur Brocklehurst mais cela ne servit à rien car il n'avait ni vu l'objet ni ressenti son pouvoir. Jamais l'avocat ne remit en cause l'existence de l'amulette dont parlaient les Aurors. Il se borna à soutenir que la nature criminogène de l'artefact n'était qu'une supposition des enquêteurs : « L'erreur est sorcière, n'est-ce pas, Messieurs les Juges ».

Ni Harry ni Owen ne purent apporter de preuve recevable de ce qu'ils avançaient. On ne les accusa jamais de mentir, mais simplement d'avoir commis une erreur d'interprétation, en plus d'avoir échoué à résoudre l'enquête. Ce ne fut pas un moment plaisant, mais Harry prit son mal en patience. Après tout, c'était la conséquence directe du choix qu'il avait fait. C'était un fiasco, il le reconnaissait, mais savoir Benson en liberté ne l'inquiétait pas réellement.

Quelques jours auparavant, cependant, il avait eu un court instant de panique en pensant au procès qui se rapprochait. Ginny, à qui il s'en était ouvert, l'avait pris dans ses bras et lui avait fait remarquer : « Tu auras juste à expliquer les raisons qui ont justifié ta décision. Au pire, ils diront que tu t'es trompé. Est-ce si grave ? » Harry admit qu'il pouvait supporter qu'on mette son jugement en cause. Ce ne serait ni la première ni la dernière fois.

Il répondit donc sereinement aux questions posées, sans tomber dans les pièges tendus par l'avocat qui tentait de le faire se contredire. Il arriva même à s'amuser des précautions oratoires auxquelles son interlocuteur s'astreignait pour ne pas paraître trop agressif envers la célébrité nationale. Owen fut davantage malmené, mais réussit également à garder son calme.

Ce fut sans surprise que le procès se solda par un non-lieu.

Le jugement avait été rendu en fin d'après-midi. Quand les deux Aurors sortirent la tête basse de la salle d'audience, Faucett les intercepta :

— Vous deux, filez chez vous. Défense de répondre à la presse, compris ? Je m'en charge !

Ils avaient obtempéré sans discuter, appréhendant ce qu'ils allaient trouver dans les journaux le lendemain matin. Exceptionnellement, Harry avait regardé les titres que lui avait amenés Trotty à sa demande, avant de partir travailler. Le compte rendu de l'affaire n'avait pas été traité de la même manière selon les publications. Si La Gazette du Sorcier n'avait pas hésité à mettre en Une : La première défaite du Survivant, il y avait des plumes pour s'offusquer qu'on n'eût pas cru Harry. Il était le meilleur spécialiste de magie noire, soutinrent certains articles, et sa parole aurait dû faire foi.

Les réactions parmi les Aurors furent aussi éloquentes. La plupart avaient noté la froideur marquée entre Harry et Faucett les semaines qui avaient précédé la comparution, et avaient compris que l'enquête s'était mal passée. Mais ce n'est qu'en lisant le compte rendu du procès dans la presse qu'ils apprirent que Harry et Owen avaient délibérément détruit leur principale preuve.

Harry ne put échapper aux questions de ses collègues ce matin-là :

— Elle était si dangereuse, cette amulette ? demanda Hilliard Hobday lors de la première pause-café.

— Elle a amené quatre amis à s'entretuer, souligna Harry.

— C'est une bonne idée d'avoir pensé à utiliser l'épée de Gryffondor, approuva loyalement Seamus. Vous vous souvenez quand Neville a zigouillé le serpent de Voldemort avec ?

— C'est assez stupide de détruire des preuves, décréta froidement Cyprien Muldoon, coupant court à la tentative de détournement de la conversation.

Harry ne répondit pas ; il se fit juste la réflexion que son collègue hésitait de moins en moins à exprimer l'inimitié qu'il éprouvait envers lui. Par contre, et c'était nouveau, un certain nombre des Aurors le jugeaient sévèrement sur cette affaire-là – s'il s'en tenait au nombre de regards qui fuyaient le sien.

D'autres cherchèrent une autre explication pour justifier cette déroute :

— Tout ça, c'est à cause de ces saletés de lois modernes, grogna Christopher Summers. Avant, les juges nous croyaient sur parole quand on disait qu'un type était coupable. Maintenant, il faut des preuves recevables – la manière dont il prononça l'adjectif donnait l'impression que c'était une obscénité – et on est obligés de relâcher les assassins !

Il ne manquait plus que ça, songea Harry en soupirant. Le pire, c'est que Summers était assez sympa dans l'ensemble. Une énième discussion s'engagea entre les Aurors présents sur le sujet, et Harry fit signe à Owen qu'ils écourtaient leur pause et retournaient tout de suite travailler. Docile, son coéquipier le suivit vers leurs bureaux pour terminer le classement de vieux dossiers dont Faucett les avait chargés depuis qu'ils avaient clos l'enquête, ce qui constituait, Harry n'en doutait pas, une sorte de punition.

Il observa son partenaire. Conformément à l'attitude qu'il avait adoptée depuis plus de vingt jours, son visage était neutre et il faisait le travail qui lui avait été assigné sans faire de commentaire. Harry décida que ça ne pouvait pas continuer ainsi :

— Il faut qu'on parle, déclara-t-il. Viens, on va dans une salle d'interrogatoire.

Owen le considéra avec surprise, mais le suivit sans protester à la façon qui avait été la sienne les jours précédents, sans faire mine de remarquer le regard en coin de leurs collègues qui les observaient de loin. Ils s'installèrent de part et d'autre de la table qui meublait la pièce, et Harry y posa sa tasse de café non terminée.

— Je t'écoute, fit Owen d'un ton incertain comme captivé par le fond du mug qu'il tenait entre ses deux mains.

— Je voulais te dire... À propos de ce que je t'ai dit l'autre jour... Je n'ai jamais cherché à t'empêcher d'exprimer ce que tu penses de tout ça.

— Je ne comprends pas, répondit Owen avec précaution.

— Je t'ai exposé les raisons de mon choix, explicita Harry, mais tu as le droit de me faire remarquer que tu n'es pas d'accord avec moi.

Owen leva brutalement la tête, les pommettes rougies et les yeux durs :

— Je sais que tu me méprises pour ce que j'ai dit, mais je ne suis pas carriériste au point de ne pas comprendre que tu avais entièrement raison. Contrairement à ce que tu penses, je ne veux pas gagner mes galons à n'importe quel prix !

Harry en resta stupéfait :

— Mais... je ne te méprise pas ! C'est ça que tu crois depuis trois semaines ? Je... je suis désolé, j'étais remonté par la volte-face de Roper et je me suis exprimé brutalement, mais je n'ai jamais imaginé que tu ferais passer ton ambition avant nos camarades.

Il y eut quelques secondes de silence durant lesquelles les deux Aurors examinaient leur relation à la lumière de leur dernier échange puis Owen précisa :

— Je pense vraiment que tu as fait ce qu'il fallait. Si je ne fais aucun commentaire à ce sujet, c'est que j'estime que je n'ai pas à présenter comme mienne une décision que tu as eu le courage de prendre.

— Je ne suis pas certain d'avoir eu raison, le contredit Harry.

Il vit les yeux de son partenaire s'écarquiller :

— Hein ? Tu crois qu'on aurait dû ramener l'amulette ici ? s'étonna-t-il.

— Ce n'est pas parce que mes principes sont justes que mes décisions sont bonnes, remarqua Harry. J'ai peut-être mal évalué la situation.

— Mais tu ne pouvais pas faire autrement, soutint Owen qui avait l'air complètement perdu.

— Bien sûr que si, rétorqua Harry. J'aurais pu aller chercher le commandant et le laisser décider ce que nous allions faire de l'amulette.

Owen le contempla désarçonné :

— Ben alors, pourquoi tu ne l'as pas fait ? demanda-t-il finalement.

— Je n'y ai pas pensé, confessa Harry. J'étais fatigué et effrayé par cette magie et j'ai fait au plus simple, sans réfléchir aux conséquences secondaires.

— On aurait dû aller voir Faucett, donc ? insista Owen qui semblait perdu.

— Disons que c'était une option. Peut-être aurait-il trouvé une solution pour la garder sans danger et pour la présenter aux juges. Ou bien, il aurait décidé lui-même de la faire disparaître définitivement, et ce serait lui qui serait responsable de cette débâcle, exposa Harry.

— Bref, si c'était à refaire, tu irais le voir pour nous éviter ce bourbier, résuma Owen visiblement dégoûté à l'idée qu'ils aient raté leur chance de transférer la faute sur un autre.

Harry prit le temps de la réflexion.

— Ce n'est pas sûr, répondit-il finalement.

Owen leva un sourcil :

— Et pourquoi ça ?

— Parce que je ne serais pas certain qu'il comprenne à quel point cette saloperie est pernicieuse. Je craindrais qu'il se fasse avoir, lui aussi, ou qu'il foire ses protections... En fait, ajouta Harry après quelques secondes supplémentaires, je n'ai jamais eu l'habitude de déléguer ce genre de décision. J'en discutais avec mes amis, mais c'est toujours moi qui tranchais parce qu'en définitive c'était moi qui devais ensuite me débrouiller avec la situation. J'ai fait des erreurs, bien entendu, et même des erreurs très graves qui ont causé la mort de personnes que j'aimais, mais il y a quand même un certain nombre de sujets sur lesquels j'ai bien fait de ne pas céder. J'aurais pu perdre si je n'avais pas suivi mon instinct, conclut-il.

À l'expression d'Owen, il vit qu'il n'était pas utile de préciser quel combat il aurait perdu.

— Je comprends pourquoi Faucett est aussi furax ! réalisa soudain Harry. Il m'en veut d'avoir pris une décision qui lui revenait. Bon sang, je n'aimerais pas avoir quelqu'un comme moi sous mes ordres ! conclut-il.

— Finalement, c'est moi qui ai la meilleure place, plaisanta Owen.

— En l'occurrence, je t'ai fait plonger avec moi. Désolé, s'excusa Harry.

Owen sourit à Harry pour la première fois depuis trois semaines :

— Quand tu as brisé l'amulette avec l'épée, c'était géant ! affirma-t-il le regard brillant.

*

Harry se sentait satisfait en rentrant chez lui. Après leur discussion, Owen et lui avaient travaillé dans un silence complice, échangeant des regards amicaux au-dessus de leurs pensums respectifs. Durant leur pause-déjeuner, Owen lui avait confié que lui et Éloïse songeaient à avoir un bébé, et Harry l'avait chaleureusement encouragé en ce sens en lui exposant le bonheur qu'il éprouvait à être père.

Alors qu'il parvenait dans le hall d'entrée après être arrivé par la cheminée de sa cuisine, Ginny sortit du salon pour venir à sa rencontre :

— Tu as de la visite, lui apprit-elle. Padma et Lee.

— Quelle bonne surprise ! s'exclama-t-il spontanément.

Le sourire aux lèvres, il se rendit dans la pièce où ses amis se tenaient. Il remarqua que les deux journalistes n'étaient pas aussi enjoués qu'ils ne l'étaient d'habitude, et il craignit qu'ils ne lui apportent une mauvaise nouvelle.

— Un problème avec le journal ? demanda-t-il après les salutations d'usage.

— Non, ça marche pas trop mal, évacua Lee. On est venus te dire que demain Ink Watermann va sortir un article vachard sur la façon dont tu travailles.

— Bah ! s'exclama Harry. Je lis rarement La Gazette, alors ils peuvent dire ce qu'ils veulent sur moi !

Il songea soudain à son commandant qui, lui, allait étudier attentivement tout ce qui se rapporterait à sa lamentable affaire. Il valait mieux qu'il sache de quoi il était question.

— C'est vraiment méchant ? s'enquit-il.

— Watermann donne à entendre qu'on te laisse faire ce que tu veux au bureau des Aurors, alors que tu n'es pas un enquêteur si doué que ça.

— Je me demande comment ma réputation va s'en remettre ! ironisa Harry. D'ailleurs, je vous rassure, mes collègues mettent davantage cet échec sur le dos de la réforme judiciaire que sur le mien. Je ne prétends pas faire l'unanimité, mais, comme dit Hermione, quand tout le monde est d'accord c'est que la liberté d'opinion n'est pas assurée.

Lee et sa femme parurent un peu tranquillisés.

— Est-ce que mon commandant est mis en cause ? demanda Harry.

— Pas mal, oui. On laisse entendre qu'il n'a pas le pouvoir de te virer, et que tu peux donc agir en toute impunité, avoua Padma.

— Il y a des chances qu'il me fasse la gueule, reconnut Harry. Mais comme ça fait trois semaines qu'il me bat froid, ça ne va pas changer grand-chose. Il va falloir que je discute de tout cela avec lui, réalisa-t-il. Mais ne vous en faites pas, je me fiche depuis longtemps de ce que disent les journaux.

Padma lui sourit :

— Je précise quand même que tu as des alliés dans la maison. D'après Parvati qui fait partie de ce comité, ta candidature pour le concours du sourire le plus charmeur a été maintenue, et tu vas sans doute le remporter pour la huitième fois consécutive. Ça sortira dans Sorcière-Hebdo la semaine prochaine.

— Formidable, dit Harry d'une voix morne alors qu'à ses côtés Ginny gloussait.

— Si tu le gagnes encore deux ans de plus, tu battras le record de Gilderoy Lockhart, insista Padma.

— Après ça, il ne me manquera plus rien pour être comblé, fit Harry d'un ton sarcastique.

— Tu peux en être fier ! J'ai envoyé un hibou pour toi, et Ginny aussi, affirma la journaliste.

— Quoi ! s'indigna Harry en regardant sa femme avant d'analyser que Padma le faisait marcher.

— Je n'ai rien fait, le calma Ginny. Mais Maman a voté en ta faveur, comme chaque année, ajouta-t-elle cependant.

— Je suis trahi par ma propre famille, gémit Harry d'une voix sépulcrale.

— Y'a pire que de gagner ce concours, se moqua Lee.

— Sur l'échelle du ridicule ? Je suis certain que non, répliqua Harry.

*

Son premier geste le lendemain, en arrivant au QG, fut d'aller frapper au bureau de son supérieur. Faucett lisait la presse du matin.

— Je peux vous parler, Commandant ? demanda poliment Harry.

— Je pense que c'est indispensable, effectivement, répondit son chef en montrant le journal qu'il tenait à la main.

Harry alla droit au but :

— Je ne l'ai pas lu, mais j'ai entendu parler de l'article de Watermann. Je suis vraiment navré que la façon dont j'ai mené l'affaire Ethelbard ait des répercussions sur la réputation du corps des Aurors et sur la vôtre.

— Tu veux ma place ? demanda Faucett.

— Quoi ? s'étrangla Harry.

— C'est ce qui est dans La Gazette de ce matin.

— Faites voir, fit Harry en tendant la main vers le journal incriminé.

Sans mot, son commandant lui passa son exemplaire plié à la bonne page. Harry parcourut la prose de Watermann.

— Ce type commence à me fatiguer, commenta-t-il en reposant le journal sur le bureau. Non, je ne veux pas votre place. Qu'est-ce que j'en ferais ?

Visiblement, sa question amusa Faucett :

— Tu pourrais amener toutes les nouveautés que tu as en tête dans nos manières de travailler, suggéra-t-il.

— Je préfère que ce soit vous qui jugiez s'il est pertinent de les appliquer et qui les annonciez aux autres, assura Harry avec franchise. Et puis... certains pensent que j'en fais déjà trop.

La petite grimace de son supérieur lui apprit qu'il partageait son avis sur les sentiments mêlés que leurs collègues avaient envers les innovations défendues par Harry.

— Tu ferais un très bon commandant, affirma cependant Faucett. J'admets que ce n'est pas le meilleur moyen pour éviter les problèmes, mais tu as montré à diverses reprises que tu n'es pas du genre à t'arrêter pour si peu quand tu es convaincu que ta cause est juste.

— Sauf que je suis très bien comme je suis, assura Harry. Par contre, je voudrais savoir : est-ce que mon équipier et moi aurons un blâme dans notre dossier suite à cette affaire.

— Tu penses que vous le méritez ou non ? lui retourna Faucett.

Harry écarta les mains pour montrer que la réponse ne pouvait se solder par une affirmation sans nuances :

— Je suis certain d'avoir pris la bonne décision à propos de l'amulette. La décision la plus sûre, en tout cas. J'ai déjà eu à manier des objets aussi maléfiques que celui-là, et mon expérience me pousse à refuser de m'en servir d'une façon ou d'une autre. La seule chose à faire est de les détruire le plus vite possible, avant que la situation n'échappe à tout contrôle. Qui sait ce qui aurait pu se passer durant les trois semaines qui ont précédé le procès ? Sommes-nous certains que personne n'aurait pu l'approcher et tomber sous son emprise ?

— Pas de blâme, donc, résuma Faucett.

— Je suppose que j'aurais dû venir vous en parler et en discuter avec vous, admit Harry. C'était à vous de prendre cette décision, et je pense qu'il est normal que vous m'appliquiez une sanction disciplinaire pour vous avoir mis devant le fait accompli.

— Mhum, émit le commandant sans se prononcer.

— Par contre, continua Harry, mon coéquipier n'a rien à se reprocher. Il a obéi à mes ordres, c'est tout.

— Un subordonné doit avertir sa hiérarchie quand son supérieur direct désobéit au règlement, rappela Faucett.

— Pour commencer, il était sous l'influence de l'amulette ce qui n'aidait pas à la réflexion, défendit avec fougue Harry. Ensuite, je pense qu'il vous en aurait référé si j'avais fait quelque chose de vraiment grave ou de dangereux pour autrui. En l'occurrence, je lui ai affirmé que c'était la seule façon de limiter les risques, lesquels s'étaient matérialisés par la découverte de deux cadavres en moins de six heures. On ne peut pas lui reprocher d'avoir trahi son devoir professionnel en ne s'opposant pas à moi.

Faucett le contempla pensivement pendant que ses doigts pianotaient les magazines étalés sur son bureau.

— Bon, finit-il par décider, je te colle un avertissement et je passe l'éponge pour Harper.

— Pas de blâme ? s'étonna Harry.

— Comme tu l'as soutenu tout à l'heure, ce n'est pas ce que tu as fait qui pose problème, mais que tu ne m'en aies pas référé avant. Tu sais, il y a du vrai dans cet article, ajouta-t-il avec un petit sourire. Quand Harry Potter prétend qu'un objet doit être détruit immédiatement à cause de sa dangerosité, même le commandant des Aurors ne remet pas cette affirmation en cause.

— Je peux me tromper, opposa Harry, cependant satisfait que son supérieur lui fasse ainsi confiance.

— À ce sujet, non, je ne le pense pas. Tu as une expérience et une expertise que je n'aurai jamais, je l'espère du moins. J'en sais davantage sur toi que ce qu'il y a dans ton dossier, reconnut-il en répondant au regard interrogateur de Harry. Oui, Kingsley m'a transmis oralement des informations pour que je puisse exploiter tes capacités au mieux. Je sais donc que ta connaissance des objets maléfiques est bien supérieure à ce que tu laisses entendre. J'ai davantage de pratique en ce qui concerne le commandement ou l'utilisation des circuits administratifs, mais ce ne sera pas toujours le cas.

Harry battit des paupières tandis qu'il assimilait la signification du discours de son chef. Faucett sourit de le voir abasourdi et le libéra charitablement :

— Tu as encore un ou deux jours de paperasserie qui t'attendent sur ton bureau, Potter. Tu ferais bien de t'y mettre tout de suite.

— Bien commandant, balbutia Harry

En regagnant sa place, il se dit qu'il ne devait pas être courant de recevoir autant de compliments, juste après l'annonce de l'inscription d'un avertissement dans son dossier.

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En droit, l'extinction de l'action publique indique qu'il n'y a plus lieu de poursuivre les coupables d'une infraction. Cela survient quand l'acte est prescrit ou que le coupable est décédé.


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