XXVIII : Des yeux de triton triste

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Chronologie : 2 mai 1998 : Bataille de Poudlard

26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny

20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique

17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter

04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley

14 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter

16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter

28 juin 2008 : Naissance de Hugo Weasley

Période couverte par le chapitre : 31 janvier au 17 février 2009

Le surlendemain était un samedi et les alertes pour les achats de Fuseboums d'Halloween affluèrent. Le prix était intéressant et deux acquéreurs se présentèrent dès le matin. Harry affecta des Aurors qui se servirent des portoloins liés pour retrouver les suspects. D'autres s'occupaient d'enquêter sur eux.

Il y en eut quatre autres achats similaires l'après-midi. Plusieurs clients furent rapidement blanchis, ayant utilisé leurs feux le soir même dans le jardin familial. Restèrent en lice trois acheteurs, dont deux pourvus de jeunes enfants. Aucun d'eux n'avait de fiche à son nom dans les archives des Aurors ou de la police magique, mais ce n'était pas assez pour les exonérer. Des vocations politiques radicales pouvaient naître chez des citoyens jusque-là respectueux des lois.

Après réflexion, ils avaient décidé d'interroger Smiley Guffy, le vendeur de Ron et George. Janice partit le lundi matin pour la France et en revint le soir même. Elle leur résuma l'audition à laquelle elle avait procédé. L'homme avait été aussi atterré que ses employeurs en apprenant le rôle des Fuseboums dans les attentats. Malheureusement, il ne se souvenait pas spécialement du client à qui il aurait vendu une des boîtes de Fuseboums d'Halloween soldées. Il avait promis de garder le silence sur l'information et était allé rejoindre sa famille, le cœur moins léger qu'avant. Il devait rentrer en fin de semaine.

Harry et son équipe avaient pourvu de traceurs tous les vendeurs de polygonums. Ils n'étaient que cinq. Les deux jours suivants, rien ne se passa. Pas de nouvelles du côté des vendeurs ; pas d'attentats non plus. L'équipe de Harry intensifia les enquêtes sur les progressistes et les traditionalistes les plus actifs, ainsi que sur les victimes.

Le mercredi, Angelina lui résuma ce que lui avaient appris ses recherches :

— La grande majorité des familles attaquées ne sont que « supposée » sang-pur, lui apprit-elle. En grattant un peu, on se rend compte qu'elles se sont toutes alliées au cours des dernières années à d'autres branches moins regardantes. Elles n'ont pas eu le choix, c'était ça ou la consanguinité.

— C'est vrai pour ta famille ? demanda Harry à Augustin.

— Jusqu'à maintenant, on a réussi à rester purs, convint le jeune Auror. Mais je suis le seul héritier et moi je suis prêt à épouser toute fille qui voudra bien de mon nom, quelle que soit son ascendance.

— Mais cela ne change rien à la situation, reconnu Angelina. Même si leur pureté n'est pas le reflet de l'exacte réalité, elles se revendiquent comme telles et peuvent concentrer la haine pour cette raison.

Suite à l'hypothèse émise par Shacklebolt, Harry avait lancé des recherches sur les traditionalistes inscrits à Magie, Quidditch et Tradition. Après réflexion, il avait confié cette partie de l'enquête à Owen et Wellbeloved. Eux aussi s'étaient rendu compte que la situation était plus nuancée que les préjugés :

— Il n'y a pas que des sorciers de longue date qui militent dans leur rang, expliqua Wellbeloved. Il y a des sorciers de seconde génération et même des sorciers spontanés qui sont favorables à une coupure totale avec leur monde d'origine. Ils sont particulièrement actifs, comme s'ils voulaient prouver que leur manque d'ancienneté n'est pas contraire à leur engagement.

C'était donc une question d'opinion et non de pureté de sang qui divisait le monde sorcier, contrairement à la croyance populaire, songea Harry. Il faudrait qu'il en parle à Lee et Padma car une étude exhaustive serait sûrement intéressante. Mais cela pouvait attendre, il devait auparavant boucler son enquête et mettre fin aux attentats.

Le jeudi après-midi, Harry eut la surprise de voir Smiley Guffy, revenu trois jours avant la date prévue. Heureusement, Angelina l'avait croisé alors qu'il sortait de l'ascenseur et elle l'avait reconnu. Elle l'avait empêché de rentrer au QG car l'implication des Sorciers Facétieux devait rester secrète. Elle l'avait fait patienter dans une des salles d'interrogatoire et Harry s'était empressé de s'y rendre pour entendre le témoignage du vendeur de farces et attrapes. C'était un homme au visage rond et placide.

— Ça m'est revenu ce matin, rapporta-t-il tranquillement. Je vous aurais bien envoyé un courrier, mais malheureusement, suite à une épidémie de puces marines en France, les mouettes de la Grand Poste françaises sont interdites du survol du territoire britannique. Du coup, j'avais plus vite fait de venir moi-même.

— Merci d'avoir écourté vos vacances, l'encouragea Harry. De quoi vous rappelez-vous ?

— De celui qui m'a acheté ma boîte d'Halloween. Je suis sûr que c'est lui. Je n'ai pas fait le rapprochement tout de suite, mais, en y réfléchissant, je me suis souvenu qu'il s'est présenté à la fin du mois de novembre. Ça correspond parfaitement avec la date que m'a donnée votre collègue. J'avais remarqué ce type parce qu'il était triste comme un jour sans Quidditch et que je trouvais bizarre qu'il vienne acheter un produit chez nous. J'en avais même parlé avec Éloïse.

— Aviez-vous dit à Mrs Harper ce qu'il avait pris ? demanda Janice.

— Je ne sais plus. Ce n'était pas son choix qui m'avait frappé mais son air de chien battu qui détonnait complètement avec les clients dont on a l'habitude. Éloïse m'a même dit que j'aurais dû lui mettre en douce une grenouille gigotante dans la poche. On fait ça parfois. Ça plaît bien, et ça nous fait de la réclame car le nom du magasin est écrit dessus.

Janice fila voir Éloïse. Elle se souvenait de la conversation mais ne put confirmer que c'était un acheteur de Fuseboums Halloween. Elle ne savait plus quel jour c'était exactement, mais il lui semblait que c'était aux alentours de la fin novembre, juste avant qu'ils commencent à déménager la boutique pour les produits de Noël. Oui, c'était ça parce que c'était bien à ce moment qu'ils mettaient des articles en soldes pour les écouler et faire de la place.

— Enfin une nouvelle piste ! se réjouit Harry quand il eut le compte rendu de cette dernière audition.

— Rien ne dit que c'est lié, objecta Primrose. Ils ne sont pas certains de ce que le bonhomme a pris.

— Un client qui n'a rien à faire dans une boutique de farces, pile à la période où trois boîtes ont été achetées, ce n'est pas loin de coller, argumenta Harry.

— Les frères Weasley n'ont reconstitué que vingt fusées. Deux paquets auraient suffi, contra Wellbeloved.

— Ça fait trop juste car ce qu'on a récupéré ne prend pas en compte le tout premier incendie chez les Flint, soutint Harry.

— Et ils ont dû faire des essais de dosage avant leur première tentative, supposa Augustin. Au moins une ou deux fusées y sont passées. Non, il a bien fallu trois paquets.

— Si on demandait aux cinq vendeurs de polygonum s'ils ont remarqué un mec particulièrement triste ? proposa Angelina.

— Quelqu'un de triste pour vos quatre rigolos, ce n'est pas forcément quelqu'un de triste pour un apothicaire, opposa encore Wellbeloved.

— On a une piste, on la suit, trancha Harry. On s'y attaque dès demain matin.

Il ne fallut qu'une demi-journée pour savoir qu'un fournisseur d'ingrédients de potions du Chemin de Traverse avait effectivement remarqué un client qui « paraissait sur le point de se suicider ». Oui, il était possible qu'il ait acheté tous les produits dont on lui montra la liste.

Il ajouta qu'il était assez grand, qu'il avait des cheveux très noirs, des yeux de triton triste et une cape qui n'était plus de première fraîcheur. Harry lui donna la ferme injonction de ne rien tenter contre l'individu s'il le revoyait et de s'arranger pour qu'il reparte avec un traceur, même s'il ne prenait pas de polygonum.

Il fut ensuite débattu dans l'équipe de Harry de l'opportunité de diffuser la description du bonhomme auprès des commerçants concernés. Harry s'y opposa :

— Attendons d'en savoir plus. On ne va pas jeter en pâture à l'opinion publique tous les hommes tristes ! Sans compter que ce n'est pas forcément lui qui fera les achats la prochaine fois.

— On a déjà du bol que les journaux ne relaient pas davantage d'éléments sur l'enquête, remarqua Angelina.

— Faucett s'en est occupé, lui expliqua Harry. Il a négocié avec La Gazette du Sorcier, Sorcière-Hebdo et AlterMag une conférence de presse quand on aura résolu l'affaire, contre la promesse de ne rien révéler de ce qu'ils apprendront avant.

— C'est déjà ça, commenta Owen.

*

À midi, Harry alla voir son chef pour l'informer de l'avancée de son affaire. Il conclut en énumérant :

— J'ai douze Aurors qui se relaient pour surveiller trois acheteurs de Fuseboum et huit autres qui font les recherches et les enquêtes de proximité, indiqua-t-il. Je monopolise déjà les deux tiers de la brigade. Ça risque de poser problème si nous avons de nouvelles filatures à faire.

— Pourquoi n'as-tu pas demandé du renfort à la police magique ? s'étonna Faucett.

— Je n'aime pas leur faire faire le sale boulot pendant qu'on ne garde que ce qui nous intéresse, justifia Harry.

— C'est ton enquête, tu les intègres comme tu le veux, rappela Faucett. Sache que je ne tolérerai pas que tu laisses une piste de côté par manque d'effectif. Règle ça directement avec Watchover.

Harry alla donc voir le chef des policiers magique et requit son aide.

— Combien d'hommes vous faut-il ? demanda Tiern Watchover.

— Je ne sais pas, reconnut Harry. On suit des personnes qui achètent des produits spécifiques, nous ne pouvons pas deviner combien vont le faire ni pendant combien de temps cela va durer.

— Le mieux est que je vous laisse vous organiser avec un de mes capitaines. Vous lui transmettrez vos besoins et il fera ce qu'il pourra.

— Très bien.

— J'ai cru comprendre que vous aviez l'habitude de travailler avec le capitaine Thruston.

— Oui, ce serait parfait, fit Harry reconnaissant.

— Je le préviens et je vous l'envoie.

Quand Thruston se présenta à Harry, l'Auror l'emmena dans une des salles d'interrogatoire et lui exposa toute l'affaire. Il conclut en précisant :

— Seule mon équipe rapprochée est au courant de l'utilisation des Fuseboum par les incendiaires. J'aimerais que cela ne s'ébruite pas. Ce n'est pas parce que les fabricants font partie de ma famille, ajouta-t-il rapidement, mais pour garder certains éléments inconnus du public.

— Nous travaillons de la même manière, le tranquillisa le capitaine. Cela permet d'authentifier les témoignages et les dénonciations.

Les deux hommes se sourirent, heureux de se comprendre si bien.

— Si vous avez des personnes disponibles immédiatement, j'aimerais les déployer le plus vite possible, pour que mon commandant ne soit pas à court d'effectifs sur nos affaires courantes.

— Combien en voudriez-vous ?

— J'ai six binômes sur le terrain à ce jour. Cela m'aiderait si je pouvais en libérer la moitié. Préférez-vous qu'on monte des équipes mixtes ou simplement prendre une partie des filatures ?

— Vous êtes certain que vos hommes accepteront de travailler aussi étroitement avec des policiers ? demanda Thruston.

— On verra bien quand j'aurai donné mes ordres, sourit Harry. À moins que cela ne pose problème aux vôtres.

— Je pense qu'ils n'en attendent pas tant, répondit finement Thruston, et Harry sut que c'était un remerciement pour sa proposition. On pourrait peut-être procéder par paliers, nuança-t-il cependant. Commencer par séparer nos filatures puis mélanger les binômes quand mes effectifs seront bien intégrés dans cette enquête.

— Si votre commandant vous a libéré de vos autres obligations, je trouve qu'il serait plus efficace que vous fassiez partie de mon équipe, continua Harry.

— Je pense qu'il pourra me remplacer, accepta Thruston avec empressement.

*

Le jour suivant, on était déjà samedi. Ils eurent deux amateurs de Fuseboum supplémentaires à surveiller. Le lundi, deux acheteurs de polygonum se présentèrent ; ils ne prirent aucun des autres produits ajoutés aux Fuseboum, mais se retrouvèrent également sur la liste des suspects.

Harry fut heureux de pouvoir compter sur les effectifs de la police magique. Il avait maintenant dix personnes sous la surveillance constante de quarante membres des forces de l'ordre. Il eut des défections parmi ses équipes, maladie ou congés, et Harry en profita pour désigner des binômes mixtes, Aurors et policiers. Il choisit des candidats assez jeunes, n'ayant pas encore trop de mauvaises habitudes, et il lui sembla que tout se passait bien.

Le mercredi, Harry apprit que les policiers attachés à la surveillance de nuit d'un des acquéreurs de Fuseboum avaient dû intervenir. Le client avait voulu profiter de son achat, mais sans les précautions de dissimulation d'usage, et les forces de l'ordre l'avaient interrompu avant qu'il ne soit repéré par des non sorciers.

— Ça arrive plusieurs fois par an, commenta philosophiquement Thruston. On a l'habitude de coopérer avec le bureau de relation avec les Moldus quand les contrevenants sont dénoncés par le voisinage ou que des Moldus parlent d'extra-terrestre dans la presse. Dans de cas, on ne peut pas toujours déterminer qui sont les coupables. Là, pas de chance pour eux, ils étaient sous surveillance. Ils vont sûrement faire la tête à leurs voisins, pensant que ce sont eux qui leur ont valu l'intervention de mes services.

*

La nuit du dimanche au lundi, la sonnerie de son miroir arracha un juron bien senti à Harry. À ses côtés, Ginny, à moitié endormie, marmonna un « Pas devant les enfants » machinal. En constatant qu'il était quatre heures du matin, il se félicita de s'être couché tôt la veille au soir.

— Chez qui ? demanda-t-il sans préambule dès que la figure de Hilliard Hobday apparut.

— Stephen Yaxley. Pas de dégâts, mais leur sonnerie de protection s'est déclenchée.

— Bon, on progresse, jugea Harry, appréciant finalement que la nouvelle ait paru dans les journaux et poussé les victimes potentielles à se protéger. Quelles sont les coordonnées ?

Stephen Yaxley était fou de rage et ne fit rien pour le cacher.

— Si j'attrape ce pyromane, je vais lui faire sa fête, moi ! S'il croit qu'il va nous réduire au silence en faisant brûler nos maisons, il se met la baguette dans l'œil.

— Nous faisons notre possible pour lui mettre la main dessus, assura Harry.

— Ouais, pour le moment, vous ne me paraissez pas bien efficaces !

— Mais vous nous avez quand même appelés, remarqua Owen d'une voix acerbe.

— Pour dire vrai, je ne pensais pas que vous viendriez !

Harry entendit Owen grommeler à ses côtés un « Alors fallait nous laisser dormir » mais décida de faire preuve de davantage de tact :

— Puisque nous sommes là, pouvez-vous nous dire où se trouvait l'intrus quand il a déclenché votre alarme ?

— Par ici, au niveau du saule pleureur, à peu près.

— Y êtes-vous allé pour voir s'il y avait quelqu'un ?

— Pour quoi faire ? Je sais qu'il n'est pas rentré.

Les Aurors conjurèrent un globe de lumière et allèrent inspecter le lieu.

— Là ! s'exclama Owen.

L'herbe à cet endroit laissait la place à deux sillons boueux, comme si quelqu'un avait glissé. Harry sortit son appareil photo et prit un cliché de leur découverte. Prenant garde de ne pas brouiller les empreintes, ils étudièrent le terrain aux alentours et trouvèrent par où l'homme était parti, avant qu'elles ne disparaissent brusquement.

Owen s'accroupit et fit descendre leur source de lumière pour mieux voir :

— Je pense qu'il a sursauté et manqué de tomber en entendant l'alarme et qu'il a reculé de plusieurs pas avant de s'arrêter et reprendre suffisamment ses esprits pour transplaner.

Il fit ensuite tourner le globe en cercles de plus en plus larges autour des empreintes.

— Ah, il est arrivé par là ! Regarde les belles marques. On va savoir combien il chausse le bonhomme.

Harry prit une photo et Owen lança des sortilèges de Mesure.

— Un 45. Il doit être assez grand, ça colle.

Ils remontèrent la piste, qui s'interrompait brusquement.

— Il est arrivé en transplanant, jugea Harry, et reparti de même. Il devait donc connaître l'endroit. Soit il est venu en invité, soit il avait déjà fait des repérages à l'avance.

Considérant qu'ils ne tireraient pas davantage du terrain, ils repartirent vers la demeure.

— On va déclencher l'alarme, prévint Owen.

— Ça nous donnera une idée de ce que notre bonhomme a entendu, jugea Harry.

Effectivement, une sonnerie stridente retentit brusquement, manquant de les faire sursauter, malgré le fait qu'ils l'attendaient.

— Je comprends qu'il ait fui, commenta Owen.

— C'est aussi une barrière de protection, découvrit Harry en se cognant contre une force invisible.

Yaxley vint à leur rencontre :

— Un problème ? demanda-t-il goguenard voyant que les Aurors ne pouvaient plus revenir vers la maison.

— On peut forcer votre barrière mais vous aurez à la remonter complètement, lui rétorqua Harry agacé par l'air suffisant du bonhomme.

Un instant, il craignit que l'autre le prenne au mot et qu'ils doivent avouer qu'il ne pouvait pas rentrer sans qu'on lui ouvre. Mais Yaxley lança le sortilège qui calma l'alarme et leur fit signe de passer. Avoir la réputation d'un cambrioleur de banque a parfois du bon, réalisa Harry.

Ils enregistrèrent la déposition de leur témoin et prirent congé, lui demandant de ne pas aller à l'endroit de la tentative d'effraction, car ils reviendraient examiner les lieux à la lueur du jour.

*

Les deux Aurors se retrouvèrent dans l'atrium du ministère après avoir transplané.

— Tu veux retourner te coucher ? s'enquit Harry.

— Il est plus de cinq heures. Autant commencer la journée tout de suite.

Ils montèrent au QG, qu'ils traversèrent sans déranger Hobday qui somnolait à côté de la cheminée des appels. Ils préparèrent du café et se mirent au travail.

Une demi-heure plus tard, le miroir de Harry sonna. Hobday se réveilla en sursaut et Harry lui adressa un sourire d'excuse :

— Ça doit être ma femme, supposa-t-il.

Son sourire s'effaça en découvrant la figure paniquée d'Augustin Dolohov.

— Qu'est-ce qui se passe ? questionna-t-il.

— Ils ont attaqué la maison de mes parents ! annonça le jeune Auror d'une voix stridente.

— Des blessés ? interrogea Harry pendant que Owen et Hobday se rapprochaient.

— Il faut que j'emmène ma mère à l'hôpital, mais je ne sais pas si j'ai totalement éteint le feu.

— On arrive ! le rassura Harry. Où es-tu ?

— Chez eux... Mais la cheminée est dans la pièce qui a brûlé et elle doit être inutilisable.

Harry réfléchit fébrilement. Augustin devait s'occuper de sa mère et ne pouvait donc pas venir les chercher en transplanant. Il y avait sans doute une cheminée publique à proximité mais ce serait plus long. Mû par une impulsion subite, il demanda à son jeune collègue :

— Montre-moi un endroit caractéristique, qu'on puisse transplaner.

— T'es malade ! protesta Owen.

L'image dans le miroir tangua avant de se stabiliser sur un large escalier encadré par une rampe de fer forgé.

— C'est parfait, on arrive dans une minute, promit Harry. Occupe-toi de ta mère.

— Potter, tu es sûr... commença Hobday.

— Appelle Janice et envoie-la à l'hôpital, l'interrompit Harry avant de partir en courant pour rejoindre l'atrium et le point de transplanage.

— Attends, t'es dingue ! lança Owen en le suivant.

Sans répondre, Harry se précipita vers les ascenseurs. Vu l'heure matinale, celui qu'ils avaient pris pour monter était encore là. Il enfonça brusquement le bouton du niveau quatre. Il n'écouta pas Owen qui poursuivit son argumentation durant toute la descente, préférant se concentrer sur la vision qu'il avait eue dans son miroir.

Dès que les portes se rouvrirent, il fonça vers la zone d'où il pourrait partir.

—... va laisser un membre ou deux dans la nature, affirmait Owen toujours à sa suite.

Harry tendit la main pour l'empoigner et amorça le pivotement qui précédait le départ. Il sentit son front lui picoter au-dessus des yeux et craignit d'avoir raté son coup. Puis il ressentit le choc de l'arrivée et constata que l'escalier qu'il avait en mémoire se trouvait juste devant lui.

Il vit son coéquipier vaciller et il raffermit la prise qu'il avait sur son bras pour l'aider à conserver son équilibre. Enfin silencieux, Owen vérifiait fébrilement qu'il n'avait rien perdu en route. Harry regarda autour de lui et sursauta en découvrant l'homme qui venait vers eux. C'était le portrait craché d'Antonin Dolohov, le Mangemort.

— Mr Dolohov, se reprit-il. Nous sommes les collègues de votre fils. Vous allez bien ?

— Ma femme est à l'hôpital, répondit l'autre, les yeux papillonnants.

Comprenant qu'il était en état de choc et incapable de lui décrire la situation, Harry s'avança vers la pièce d'à côté d'où s'échappait un panache de fumée, suivi de Owen qui s'était ressaisi. Ils dégainèrent leur baguette pour lancer des Aguamenti sur les points rougeoyant parmi les braises.

Quand ils furent certains d'avoir complètement éteint l'incendie, Harry retourna vers le maître des lieux en laissant Owen récupérer les fragments de Fuseboum. Le père d'Augustin était toujours dans son vestibule, regardant dans leur direction.

— Vous devriez vous asseoir, conseilla Harry.

Voyant qu'il ne tirait aucune réaction à l'homme, il entraîna celui-ci vers la cuisine, l'installa sur une chaise et lui donna un verre d'eau. Il secoua la tête en songeant au surréalisme de la situation. Il n'aurait jamais cru, dix ans auparavant, qu'il se retrouverait un jour à prendre soin du frère de celui qui avait tué Remus.

Il envisageait de faire du thé – il avait la gorge sèche lui aussi –, quand des pas pressés retentirent dans le vestibule. Il alla à la rencontre de l'arrivant et reconnut Angelina qui avait manifestement passé une robe sur sa chemise de nuit et couru depuis la cheminée la plus proche.

— Tu vas bien ? demanda-t-elle d'une voix essoufflée. Owen est avec toi ?

— Il termine à côté. Qu'est-ce que tu fais là ?

— C'est Hobday qui m'envoie, bien sûr. C'est vrai que tu as transplané à partir d'une vision dans ton miroir ?

— Oui, et on est arrivés en un seul morceau tous les deux. Tu préfères faire le thé ou récolter les preuves avec Owen ?

Angelina le fixa intensément avant de se diriger vers la bouilloire en disant :

— Je crois que tu as oublié tes sourcils au ministère.

Wellbeloved se présenta peu après, lui aussi habillé hâtivement. Harry se demanda ce que Hobday leur avait raconté pour qu'ils paniquent à ce point. Quand la récolte des preuves fut achevée, Harry appela Janice.

— Où en êtes-vous ? voulut-il savoir.

— La mère d'Augustin n'est pas tirée d'affaire, répondit-elle sombrement. Le père va bien ?

— Sous le choc. Je te l'amène ?

— Il vaut mieux qu'il ne voie pas la tête des médicomages. Augustin est effondré et, de toute manière, elle est inconsciente. Tu veux que je lui demande s'il a de la famille qui pourrait l'accueillir ?

— Ce serait une bonne idée. Je ne peux même pas l'interroger.

Janice fit le nécessaire pour qu'Augustin prévienne une cousine, qui transplana immédiatement sur les lieux pour venir chercher son oncle. Constatant que le père de son collègue était entre de bonnes mains, Harry donna le signal du départ et les quatre Aurors rentrèrent au QG.

*

Tout le monde interrompit ses occupations quand ils poussèrent la porte de la grande pièce. Harry s'interrogea sur ce qui justifiait une telle émotion. Il était malheureusement devenu courant que des Aurors reviennent couverts de suie comme ils l'étaient. Ce fut Seamus Finnigan qui l'éclaira en lui demandant :

— Tu as vraiment transplané en te basant sur ce que tu avais vu dans un miroir ?

— Ouais, répondit Owen à sa place. Il s'est précipité sur l'aire de transplanage et s'est lancé comme ça, sans même prendre le temps de se réfléchir ! Un miracle qu'on soit arrivés en un seul morceau.

— Eh, Harper, ne te plains pas ! Tu es le premier sorcier à avoir été amené en escorte sur la vision d'un miroir ! plaisanta Alicia Spinnet.

— Ce n'est pas Pedibus Travel qui a tenté le coup avec un paysage de tableau ? demanda Anthony Goldstein.

— Si, mais il n'est pas arrivé en un seul morceau, se souvint Nat Proudfoot, le partenaire de Seamus.

— Dis Harry, tu n'aurais pas perdu tes sourcils en route ? nota Primrose.

— Faut qu'on mette un avis de recherche dans l'atrium, s'esclaffa Michael Corner.

Les rires escortèrent Harry tandis qu'il se rendait au bureau de son commandant. Il entendit dans le brouhaha une voix suggérer que leurs épouses respectives vérifient soigneusement le soir même qu'ils n'avaient vraiment rien égaré en chemin, et l'accent désagréable de Muldoon faire remarquer que c'était stupide d'avoir risqué la vie de son coéquipier sur un coup de tête.

Faucett, qui s'était avancé sur le seuil s'effaça pour le laisser entrer. Il lui désigna un siège et demanda :

— Ça va ?

— Ça ira mieux quand la mère d'Augustin sera tirée d'affaire, soupira-t-il. Ça n'a l'air de contrarier personne, ici.

— Ne leur en veux pas. Quand Janice a appelé pour donner des nouvelles, tout à l'heure, ils étaient tous navrés pour lui. Ton exploit nous aide à garder le moral. Ça t'est venu comme ça ?

— Vous croyez que j'aurais tenté le coup et entraîné Owen avec moi si j'y avais vraiment réfléchi ?

— Certains ont le don de transformer leurs défauts en qualité, commenta son chef. Bon, si tu me racontais ce que tu as fait de palpitant, cette nuit ?

Harry narra leur intervention chez Yaxley, puis celle chez les parents d'Augustin. Il hésita un peu puis exposa ce qui l'avait profondément troublé :

— Il ressemble à son frère, dit-il maladroitement.

Heureusement son commandant comprit de quoi il parlait :

— Ils sont jumeaux, expliqua-t-il. C'est normal que ça t'ait fait un choc. Lui, n'est pas un mauvais bougre. Par contre, il est assez sauvage et sort rarement de chez lui. Je suppose qu'il ne suscite pas la sympathie immédiate chez les sorciers qui ont suivi les procès des deux guerres.

— Je me suis battu contre l'autre, se souvint Harry. Il avait salement blessé Hermione au département des Mystères. Et Kingsley m'a dit que c'était lui qui avait tué... le mari de Tonks.

Il se tut, se sentant stupide de raconter ça. Il savait qu'il était irrationnel d'en vouloir au père d'Augustin de ressembler à son frère mais ce rappel du passé, ajouté à tout le reste, lui avait fait un choc.

— Je pense que tu as besoin de te reposer un peu, fit Faucett. Toi et Harper avez été debout une partie de la nuit. Ton équipe est bien rodée et peut se débrouiller un jour sans toi. Prenez votre journée tous les deux.

— Mais...

— C'est un ordre. Au lit, Potter.

*

— Ah, tu es rentré ! se réjouit Ginny quand il s'encadra sur le seuil de la chambre d'Albus où elle jouait avec les deux petits. Tu es passé chercher quelque chose ou tu peux te reposer un peu ?

— J'ai eu ma journée.

— Ah, très bien. Miffy, cria-t-elle dans l'escalier, tu peux venir surveiller les enfants ?

— Sens pas bon, papa, déclara Albus après s'être serré contre lui.

— Oui, je me suis sali au travail, admit Harry.

— Aheu ! dit Lily qui avait un vocabulaire beaucoup plus limité quand son père la prit dans ses bras.

— Je vais me laver, mais d'abord j'embrasse mon bébé chéri !

— Aheu, émit Lily d'un air satisfait.

Harry la tendit à Miffy qui les avait rejoints. James était absent, car il passait ses matinées à l'école.

— Harry, qu'est-ce qui est arrivé à tes sourcils ? s'exclama soudain Ginny.

— Une petite erreur de transplanage, expliqua-t-il en se dirigeant vers la salle de bain de leur chambre.

— Depuis quand tu fais des erreurs en transplanant ? s'inquiéta-t-elle en le suivant dans le couloir. Tu as dû combattre ?

— Non, je... (Il hésita puis se dit qu'elle finirait de toute manière par le savoir.) J'ai utilisé comme coordonnées ce qu'on m'avait montré dans un miroir.

— C'est possible ? s'étonna Ginny en pénétrant avec lui dans la salle d'eau.

— Si tu ne tiens pas trop à tes sourcils, il semblerait que oui.

Elle ne répondit pas pendant qu'il se mettait à enlever ses vêtements.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda-t-elle finalement.

Il le lui raconta, tout en se savonnant vigoureusement pour faire partir l'odeur prégnante des cendres qu'il commençait à avoir en horreur.

— J'appellerai Augustin ce soir, conclut-il.

— Le pauvre, compatit-elle. Mais ton chef a raison, tu t'épuises avec toute cette histoire. Il faut que tu prennes du recul. J'ai une idée ! Je te réveille quand les enfants termineront leur sieste, et on ira tous les cinq se promener quelque part.

— Un endroit désert, choisit Harry. Il ne manquerait plus qu'on dise que le responsable de l'enquête se prélasse, alors que les criminels courent toujours !

*

Finalement, ils se promenèrent à Hyde Park au milieu des Moldus. Discrètement, Ginny métamorphosa une pomme de pin en ballon et ils marchèrent tranquillement, portant Lily chacun son tour, suivis des deux garçons qui se disputaient la balle.

Harry se sentit requinqué quand il se rendit au travail le lendemain, très tôt pour avoir le temps de lire les rapports avant que ses collègues n'arrivent. La veille au soir, il avait appelé Augustin qui lui avait dit que l'état de sa mère était stationnaire. Il fut surpris de trouver le jeune homme au QG des Aurors.

Il salua de la main les matinaux qui discutaient devant la table des boissons chaudes et s'avança vers Augustin qui était à son bureau, à l'autre bout de la pièce.

— Faucett ne t'a pas permis de prendre quelques jours ? s'inquiéta-t-il, songeant qu'il aurait dû s'en occuper.

— Je préfère être ici, opposa son collègue. Je vais les avoir, ces salauds !

Il regarda autour de lui pour vérifier que les quelques Aurors qui étaient déjà arrivés ne pouvaient l'entendre et commença d'un ton hésitant :

— Harry... Enfin, Potter...

— Harry.

— Je voulais te remercier pour mon père. Il m'a raconté que tu as été vraiment sympa avec lui.

— C'est normal, voyons. N'importe lequel d'entre nous en aurait fait autant.

— Non, pas tous. Je sais à qui il ressemble.

— Mais ce n'est pas lui.

— C'est vrai. Même que des fois, je me demande...

Harry attendit pendant que son jeune collègue cherchait ses mots. L'autre haussa les épaules et eut une expression contrainte.

— Non, laisse tomber, c'est ridicule, affirma-t-il en se détournant.

Harry le saisit par le bras pour l'obliger à lui faire face :

— Écoute, ça fait huit ans que je gagne le concours du sourire le plus charmeur de Sorcière-Hebdo, alors le ridicule, j'en connais un bout, crois-moi !

Augustin eut un maigre sourire. Il sembla hésiter et se lança :

— Je me demande pourquoi ils ont divergé ainsi !

— Pourquoi l'un est devenu Mangemort et pas l'autre ? reformula Harry. Ce sont deux êtres différents qui ont fait leur choix.

— Ils ont grandi dans la même maison, avec les mêmes parents !

— C'est bien ce que je dis : ils ont choisi.

— Mais comment peut-on prendre des décisions aussi opposées ?

— En période de guerre, beaucoup de choses sont poussées à leur paroxysme. Au lieu d'avoir à opter pour la carrière de médicomage plutôt que celle de conducteur du Magicobus, tu décides d'être Mangemort ou non. Question d'époque. Du coup, on se retrouve facilement dans des camps qui s'affrontent.

— Je suppose que je peux m'estimer heureux d'être le fils de mon père, et pas celui de mon oncle.

— Il a eu des enfants ? s'inquiéta Harry.

— Non, pas à ma connaissance. Mais il est mon parrain, lui apprit Augustin à voix basse, comme si c'était un lourd secret.

Harry ne put s'empêcher de rire doucement. Voyant le regard blessé de son compagnon, il lui révéla :

— Moi aussi, j'ai eu un parrain emprisonné à Azkaban.

— Ah bon ? s'exclama Augustin les yeux ronds.

— Oui, il s'appelait Sirius Black. En réalité, il était innocent de ce dont on l'accusait, mais personne ne le savait.

— Ah oui, j'en ai entendu parler... Et tu l'as bien connu ?

— Pas vraiment mais il a joué un grand rôle dans ma vie pendant deux ans. Mais durant plusieurs mois, j'ai cru que mon parrain était un dangereux Mangemort qui avait trahi mais parents et causé leur mort. Alors, tu vois, je sais ce que c'est.

Augustin hocha la tête, comme s'il admettait que Harry puisse le comprendre.

— Et comment va ton père ? demanda finalement Harry.

— Pas très bien, se désola le jeune Auror. L'état de Maman l'inquiète énormément.

— Ne le prend pas mal mais... ils n'avaient pas mis de protection autour de leur maison ?

— Tu penses bien que je leur en ai installée une moi-même. Mais mon père l'a retirée en disant que ça le gênait pour entrer et sortir. Il était supposé la réactiver chaque soir, mais il ne l'a pas fait, l'autre jour... regretta Augustin. Tu te rends compte, je suis Auror, et je ne suis même pas capable de protéger mes parents !

— On ne peut pas protéger les gens contre leur gré, analysa tristement Harry. Moi aussi j'ai dû l'accepter. Mais ce n'est pas le moment de nous lamenter sur le passé. Ce qui est important, c'est ce que nous allons faire maintenant.

— Ne t'en fais pas Harry. Tu peux compter sur moi.


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Pedibus Travel : a tenté de transplaner en se basant sur le paysage représenté dans un tableau. Il n'a jamais retrouvé son nez. (Cherchez pas, le personnage est pure invention de ma part)



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