XXX : Mesurer sa victoire

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Chronologie : 2 mai 1998 : Bataille de Poudlard

26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny

20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique

17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter

04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley

14 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter

16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter

28 juin 2008 : Naissance de Hugo Weasley

Période couverte par le chapitre : 26 février au 25 mars 2009

Le lendemain matin, après avoir relu une dernière fois les rapports établis la veille, Harry alla interroger Wilhelm Wigworthy. Il choisit Janice et le capitaine Thruston pour l'assister. Il entendit des murmures parmi son équipe quand il annonça sa décision, mais n'en tint pas compte. Dans la police, Thruston avait un grade équivalent à celui de Harry, et il lui devait un minimum de courtoisie après la mise à disposition de sa brigade pour les filatures.

Wigworthy était étonnamment en forme pour un homme qui avait passé la nuit en cellule. Il avait manifestement pris une douche et s'était fait défroisser sa robe par un gardien compatissant. Il semblait avoir complètement surmonté le choc que lui avait causé son arrestation de la veille. Les deux mains posées sur la table, il exposa clairement comment il avait été à la bibliothèque sorcière d'Oxford pour trouver tous les articles de presse couvrant les procès des Mangemorts. Il avait compilé les noms, fait des recherches pour trouver l'adresse de leurs familles. Il avait aussi consulté des livres de chimie qui appartenaient à feue son épouse, celle-ci ayant fait des études moldues dans ce domaine. Dans l'un des mélanges présentés comme étant incendiaires, il avait reconnu une partie des composants des feux Fuseboum. En effet, Mrs Wigworthy les avait analysés par précaution quand leur fils en avait acheté à l'ouverture du magasin des Sorciers Facécieux. Il avait ensuite fait l'acquisition des fusées et s'était fourni chez un apothicaire. Enfin, il avait fait des expériences en rase campagne pour rendre son invention la plus efficace possible.

Son premier essai chez les Thicknesse avait cependant échoué. Il s'était nettement amélioré chez les Goyle. Celui chez les Flint avait été décevant. Sa tentative chez les Malefoy avait été très réussie, mais, malheureusement, il avait commencé par le mauvais bâtiment. Il avait atteint une réelle efficacité à partir de la maison des Avery. Après la glorieuse nuit de la triple attaque, il avait suspendu ses opérations durant trois semaines, le temps de faire des repérages sur une autre série d'habitations dont il devait s'occuper. La demeure des Yaxley s'était révélée plus coriace que prévu, et il en était reparti bredouille. Heureusement, la maison suivante, chez les Dolohov, s'était avérée sans protection, et le feu avait merveilleusement pris. Encouragé, il avait planifié une nouvelle offensive et, dans cette optique, il était allé se réapprovisionner. Il avait été très heureux de constater que le même modèle de Fuseboums existait toujours, car cela lui évitait de modifier les doses de ses principes actifs. Il trouvait très contrariant qu'on ne le laissât pas continuer.

Harry, incrédule, l'avait écouté dérouler son récit et répondre tranquillement aux demandes de précision que Janice lui posait. Autant la veille l'homme lui paraissait psychologiquement fragile, autant il jugeait ce matin-là que son coupable était davantage froidement déterminé que fou. Il lisait le même trouble dans le regard de Thruston qui restait silencieux.

— Mr Wigworthy, finit par demander Harry quand l'autre arriva au bout de son histoire, trouvez-vous légitime de vous attaquer à des personnes qui n'ont rien fait de répréhensible ? Les vrais coupables sont sous les verrous à l'heure qu'il est.

— Mon fils était-il coupable de quoi que ce soit ? Et ma femme ? protesta douloureusement Wigworthy.

— Justement ! s'indigna Harry, comment justifiez-vous d'agir comme les criminels qui les ont tués ?

— Avais-je un autre moyen ? Vous-même, n'avez-vous pas mis fin aux jours de celui qui a assassiné vos parents ?

— Non, je l'ai laissé se tuer tout seul avec son propre sortilège de Mort, le contredit le Survivant. Et je lui ai proposé de se rendre avant cela. Je travaille tous les jours avec le neveu de celui qui a abattu le meilleur ami de mon père, et je ne regrette pas que les circonstances nous aient réunis. Je peux comprendre vos sentiments, Mr Wigworthy, mais sûrement pas approuver vos actes.

— Eh bien, faites de moi ce que vous jugerez bon. Je n'ai plus aucune raison de vivre, à présent.

C'est en proie à un profond malaise que Harry ressortit de la pièce d'interrogatoire. Pendant que Janice ramenait Wigworthy à sa cellule, Thruston dit à Harry :

— Ne vous mettez pas martel en tête pour lui. Il a choisi ce qui lui arrive maintenant.

— Il n'a pas choisi de perdre sa famille !

— Il n'est pas le seul à qui c'est arrivé. D'autres ont décidé de vivre dans un futur en paix, plutôt que dans un passé en guerre. Pourquoi croyez-vous qu'on vous admire tellement ?

Cela cloua le bec de Harry qui ne se voyait pas discuter de l'admiration qu'on lui vouait, même avec quelqu'un qu'il appréciait autant que le capitaine Thruston. Avant de le quitter, le policier le remercia de lui avoir permis d'assister à l'interrogatoire, visiblement bien conscient qu'un autre Auror n'aurait pas eu cette délicatesse.

Harry venait juste de réintégrer le QG, quand Faucett lui fit signe de le rejoindre :

— Potter, ça te dirait de passer à la postérité ?

— Ce n'est pas déjà fait ? s'étonna Harry.

— J'aimerais que tu répondes à la presse qui veut savoir comment on a arrêté le coupable, précisa son commandant.

— Pourquoi moi ? demanda machinalement Harry avant de se reprendre. Non, je n'ai rien dit, je connais la réponse.

— Parfait. À ce propos, je te préviens qu'il est impensable que tu nous fasses une autocritique comme hier soir. C'est de l'honneur des Aurors dont tu seras le garant, pas de ta condition particulière.

— D'accord... Puis-je parler des portoloins liés ? s'enquit-il.

— Reste évasif là-dessus. Ceux à qui on les a confiés doivent plus ou moins avoir compris, mais inutile d'insister devant les journalistes.

— Qu'est-ce que je dis sur les ultra-progressistes ?

— Je suppose que tu seras heureux de pouvoir affirmer que notre enquête a prouvé leur pacifisme...

Harry lui sourit :

— Si j'ai bien compris, j'ai le droit de dire ce que je veux, sauf que je n'ai pas été très bon.

— Tu vois, ce n'est pas si difficile !

*

Harry fut étonné de se sentir à l'aise quand il s'assit – encadré par Faucett et Shacklebolt – devant les huit journalistes conviés, dont Lee et Xenophilius Lovegood. Il réalisa que ses nombreuses interventions durant les procès l'avaient formé à ce genre d'exercice : il avait appris à parler en public, à réfléchir rapidement et à peser ses réponses.

Il songea cependant – mais un peu tard – que Ginny aurait sûrement préféré qu'il porte une robe plus neuve pour cette apparition officielle. Puis il haussa les épaules et se consacra à ses interlocuteurs qui le pressaient de questions.

Il avait préparé son allocution et exposa donc d'une voix assurée les pistes qu'ils avaient suivies. Par égard pour son chef, il oublia d'indiquer que les recherches sur les familles meurtries par la guerre avaient été complètement abandonnées après la nuit du triple incendie. Pour couper l'herbe sous le pied de Selwyn qui ne manquerait pas d'exploiter cet élément, il expliqua que les Aurors avaient fait appel à une spécialiste moldue pour apprendre à trouver des indices sur le lieu d'un sinistre. Que cela avait permis de déterminer l'instrument utilisé par l'incendiaire : des feux Fuseboums modifiés avec des ingrédients rares. Ils avaient donc suivi cette piste, obtenu la description physique du criminel et compris ce dont l'incendiaire avait besoin pour continuer à agir. Grâce aux commerçants qui avaient pleinement coopéré, ils avaient été prévenus de sa présence dans leur boutique. Ils avaient pu filer le suspect jusqu'à son domicile, où ils l'avaient appréhendé. Les Aurors avaient trouvé toutes les preuves qui étayaient leurs soupçons.

Harry traça ensuite le portrait de Wilhelm Wigworthy et exposa ses mobiles. Enfin, il conclut en indiquant l'aide apportée par les policiers magiques et tout particulièrement par le capitaine Thruston. Il émit le souhait que la coopération entre leurs deux services soit toujours aussi satisfaisante. À ce stade, il glissa un regard vers son commandant, qui resta parfaitement impassible. Après tout, Harry n'avait jamais caché ses sentiments sur le sujet.

Enfin, il proposa aux reporters de poser leurs questions. Ce fut un homme qu'il ne connaissait pas, mais dont le regard agressif le mit sur ses gardes, qui ouvrit le feu :

— Je suis scandalisé d'apprendre qu'il vous a fallu une Moldue pour résoudre cette enquête, lança-t-il. Les Aurors sont-ils si peu efficaces qu'ils soient obligés de demander à des non sorciers de travailler pour eux ?

Plusieurs journalistes eurent des expressions choquées, et Harry sentit Kingsley Shacklebolt se raidir à côté de lui. Ce fut Dave Faucett qui répondit sans laisser à Harry le temps de le faire :

— Mr Watermann, vous n'êtes manifestement pas familier des salles d'audience du Manoir de la Justice. Sinon, vous sauriez que maintes suspicions de magie noire, homicides, trafics de produits illicites sont régulièrement traitées avec succès. Seulement, il se trouve que les façons de procéder évoluent, et qu'on ne peut pas rester sur des méthodes qui datent d'il y a deux siècles. Nous faisons notre possible pour avoir de l'avance sur les criminels. Je trouve pour le moins étrange qu'on nous le reproche.

Harry détailla celui qui avait à plusieurs reprises attaqué sa réputation et celle de ses amis. C'était un homme qui devait avoir l'âge de Bill, d'un physique assez agréable et habillé avec recherche – de manière tout à fait traditionnelle. Son regard belliqueux et le pli méprisant de sa bouche gâchaient cependant la bonne impression qui se dégageait de son apparence.

— Ce que je vous reproche, c'est de demander aux Moldus d'enquêter pour vous ! insista le journaliste.

— Nous demandons aux Moldus de nous faire bénéficier de leur expérience en la matière, précisa le commandant des Aurors. Nous étudions leurs méthodes et nous nous les approprions en les améliorant grâce à la magie. Plusieurs dizaines de sorciers ont été mobilisés sur cette affaire pendant cinq semaines. Une Moldue est intervenue seulement une journée. Je n'ai pas l'impression de lui avoir confié ma baguette !

— Cinq semaines d'échecs pendant lesquelles le criminel a réussi à incendier neuf habitations, tuer une personne et en blesser deux autres grièvement. Cela ne me semble pas être un succès complet, s'acharna Watermann.

— C'était une enquête très difficile du fait de la multiplicité des pistes et du grand nombre de suspects potentiels. Mettre la main sur un homme qui était supposé être inoffensif et surveillé dans un hôpital, alors qu'il était en réalité caché hors du monde sorcier, me paraît au contraire être un résultat remarquable, répliqua Faucett d'une voix calme, comme si les griefs invoqués ne le mettaient pas en cause.

Harry se sentit impressionné par la maîtrise de son supérieur. C'était sans doute le meilleur moyen de neutraliser leur adversaire. Une femme leva la main, et il s'empressa de lui donner la parole pour mettre fin à l'échange précédent.

— Betty Braithwaite pour Sorcière-Hebdo, Monsieur Potter, se présenta-t-elle poliment. L'homme que vous avez appréhendé va-t-il être envoyé à Azkaban ?

— Ce sera aux juges du Magenmagot de veiller à ce qu'il ne soit plus un danger pour les autres, tout en prenant en compte les souffrances qu'il a endurées, répondit Harry. Je n'envie pas leurs fonctions, conclut-il en toute sincérité.

Lee demanda la parole :

— Pourquoi avez-vous laissé entendre que la piste politique était la plus vraisemblable ? questionna-t-il.

Autant pour l'honneur des Aurors, songea Harry avec résignation. Lee n'a pas mis cinq minutes à comprendre que je m'y suis pris comme un manche. Il tenta cependant de dissimuler sa déconvenue et improvisa :

— Nous avons envisagé dès le début plusieurs hypothèses, mais nous avons choisi de ne pas les communiquer, pour que le criminel se sente en confiance.

Un autre journaliste leva la main et Harry lui consacra toute son attention :

— Quentin Discrey, reporter indépendant. Vous avez parlé de méthodes moldues. Pouvez-vous nous décrire en quoi elles consistent ?

— Vu leur nombre, les Moldus ont statistiquement à traiter davantage de crimes que nous, et cela fait longtemps qu'ils ont développé des procédures d'identification des criminels sur les lieux de leurs forfaits, exposa Harry. Je ne peux pas donner trop de détails, mais après avoir étudié leurs manières de travailler nous avons de notre côté inventé des sorts pour savoir qui a touché un objet ou envoyé un sortilège. Nous avons également amélioré nos techniques de filature, ce qui a rendu possible cette arrestation.

— Gigas Hertz, pour la RITM, se nomma un autre journaliste une fois que Harry lui eut cédé la parole. Si j'ai bien compris, des Feux Fuseboum ont été utilisés pour incendier les maisons. Ces produits vont-ils rester en vente ?

Ce fut Kingsley qui intervint cette fois-ci :

— Il a déjà été établi par les Aurors que l'ajout de produits rares et surveillés a été indispensable pour transformer les Fuseboums en arme incendiaire. Nous ne pensons donc pas en interdire la commercialisation. Il est évident cependant, au vu des circonstances, qu'un examen supplémentaire sera mené par le comité des Sortilèges expérimentaux, et nous nous efforcerons de faire en sorte d'éviter de tels détournements à l'avenir.

Mr Lovegood leva la main à son tour :

— Avez-vous localisé l'endroit où le coupable dissimulait ses héliopathes ?

Harry avait déjà entendu Luna évoquer ces mythiques esprits du feu, mais il se trouva désarçonné par la question. Il ne savait pas comment répondre à une hypothèse aussi extravagante tout en ménageant à la fois l'honneur des Aurors et la susceptibilité du journaliste. Visiblement, Faucett savait gérer le rédacteur en chef du Chicaneur :

— Pas encore, mais c'est en cours, assura-t-il avec aplomb tandis que Harry avait du mal à garder l'air compassé qu'il avait adopté depuis le début de la séance.

Les autres journalistes sourirent à peine. Ils étaient manifestement habitués aux interventions particulières de leur collègue. Les reporters posèrent encore quelques questions sur les détails de la procédure, avant de filer vers leurs rédactions respectives pour transmettre leurs articles. Watermann ne reprit pas la parole, au grand soulagement de Harry, mais son regard promettait un compte rendu sans concession.

*

Ginny était en train de coucher les enfants quand Harry rentra chez lui. Il embrassa ses fils et Lily, puis caressa Mignonette, le fléreur récupéré chez Mrs Figg qui dormait tour à tour sur les lits de James et d'Albus. À la demande générale, il lut une histoire supplémentaire puis descendit à la cuisine où les elfes avaient dressé la table du dîner.

— J'ai entendu ta conférence de presse à la radio, et j'ai lu l'édition spéciale de La Gazette, lui apprit Ginny.

— On en a pris connaissance au QG. Bien que Watermann ait tenté de me mettre en cause, Faucett n'est pas trop mécontent. Il pense que l'effet Harry Potter sera suffisant pour que les gens n'ajoutent pas foi à ses propos, d'autant que les autres médias nous sont plutôt favorables.

— Tu ne m'avais pas dit que mes frères étaient impliqués ! remarqua Ginny d'une voix un peu accusatrice.

— Très peu de monde était au courant, même parmi les Aurors, lui assura Harry. Cela faisait partie des éléments que nous devions garder secrets pour les besoins de l'enquête. Cela ne m'a pas amusé de te cacher ça, tu sais, ajouta-t-il conciliateur.

— J'ai appelé Hermione, et elle m'a dit qu'elle ne savait rien non plus, reconnut sa femme d'une voix qui indiquait qu'elle acceptait mieux cette mise à l'écart du fait qu'elle partageait cette indignité avec sa belle-sœur. Ils étaient vraiment soupçonnés ?

— Bien sûr que non, la rassura Harry. Ils auraient été trop stupides de signer leur crime en utilisant des feux marqués à leurs initiales. Et puis, étant donné que tous les sorciers pouvaient en acheter, il était peu judicieux de baser nos soupçons, juste là-dessus. Mais ils nous ont permis de remonter jusqu'à l'acquéreur et de le coincer.

— C'est avec tes portoloins liés, c'est ça ? demanda Ginny. Tu ne le cites pas, mais si ton suspect a transplané chez les Moldus, tu n'avais que cette façon là de le retrouver.

— Exactement. On a eu une fameuse idée, ce jour-là, avec Owen. Heureusement que Ron nous a soutenus car, sans lui, on n'aurait jamais pu les avoir pour de bon !

— C'est toi qui es bon, assura Ginny en se penchant au-dessus de la table pour l'embrasser.

— Sur cette affaire, je ne l'ai pas été tant que ça, n'en démordit pas Harry. Mais c'est terminé, ajouta-t-il avec satisfaction. Le coupable est derrière les barreaux et je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles. Alors on va faire avec et ne plus y penser.

*

Une semaine plus tard, alors que l'équipe de Harry commençait enfin à se débarrasser de la fatigue et de la tension nerveuse accumulées, arriva le jour de la désignation du ministre de la Magie par la formation plénière du Magenmagot.

L'assemblée qui devait débattre de cette question se réunit en début d'après-midi, mais à l'heure où Harry partit du ministère aucune décision n'avait encore été prise. Ginny proposa qu'ils se rendent chez Hermione et Ron pour attendre le retour de son frère.

Quand ils arrivèrent après avoir prévenu Hermione par miroir, ils se rendirent compte qu'ils n'étaient pas les seuls à avoir eu cette idée. Tous les membres de la tribu, Andromeda et Teddy compris, étaient déjà là ou étaient en chemin. Pour occuper leur attente, les parents firent manger les enfants puis organisèrent une sorte de dortoir dans la chambre du couple pour coucher les petits. Ensuite, laissant les plus grands jouer dans les chambres de Rose et d'Hugo, ils préparèrent le repas des adultes.

Quand Ron arriva enfin à neuf heures du soir, il eut un mouvement de recul en voyant toute sa famille qui l'attendait dans son salon, installée sur le canapé et dans des fauteuils invoqués pour l'occasion.

Avant que quiconque ait pu lui poser la moindre question, il lança un tonitruant :

— Qu'est-ce qu'on mange ?

— Ron ! le sermonna Molly. Arrête de penser à ton estomac et dis-nous qui est maintenant notre ministre !

Harry se détendit sur son siège en soupirant de soulagement. Le sourire de son ami et sa blague de potache lui donnaient la réponse.

— Bonne nouvelle, chérie, fit Ron en direction d'Hermione. Tu peux ranger la tente, elle ne nous servira pas avant cet été au Terrier !

Il y eut un brouhaha alors que toute l'assistance exprimait d'une façon ou d'une autre son contentement, et que Percy expliquait à Audrey la fuite sous la tente du trio durant l'année des Ténèbres après la chute du ministère. Pendant qu'on servait la soupe, on alla éteindre la lumière pour les enfants qui ne dormaient pas encore et on s'installa autour de la grande table dressée dans la pièce principale.

Le seul qui eut le droit de rester fut Teddy, que l'on jugea assez grand, à dix ans et demi, pour participer à l'évènement. Victoire fit savoir avec véhémence combien elle estimait injuste d'en être exclue, mais ses parents tinrent bon et la renvoyèrent dans la chambre de Rose, non sans que son camarade de jeu ne lui ait promis à mi-voix qu'il lui « raconterait tout ».

Une fois les assiettes remplies, Ron débuta son récit :

— On a commencé par un vote préliminaire qui a donné l'avantage à Higgs, mais sans qu'il atteigne la majorité des deux tiers. Ensuite, on a discuté dans les travées. Ses partisans se sont concentrés sur ceux qui avaient choisi Kingsley, mais qui étaient susceptibles d'être retournés. Évidemment, on en a fait autant avec ceux qui n'avaient voté que mollement pour Higgs.

Ron avala rapidement sa soupe avant de continuer :

— J'ai commencé par faire le tour des guildes. Laurentia Fletwok avait voté pour Higgs, bien qu'il ait été son adversaire quand les Éleveurs et Equarisseurs ont choisi leur maître. Higgs lui avait manifestement promis d'avantager les éleveurs s'il était désigné. Je n'ai pas manqué de le faire remarquer aux autres maîtres, histoire de les faire pencher pour Shacklebolt.

— Ils ne t'ont pas répondu que comme tu es un ami de longue date de Kingsley, il pouvait t'avoir fait la même promesse ? s'inquiéta Ginny.

— Si, bien entendu, sauf que j'ai répliqué que, jusque là, King avait traité toutes les guildes avec équité, et qu'il n'y avait aucune raison pour que ça change maintenant !

— Bien dit, le félicita Hermione. Il faut bien que la probité paie, parfois.

Percy et Arthur eurent l'air de penser que c'était loin d'être suffisant, mais Ron continua sans commenter :

— Ensuite, j'ai fait le tour des magistrats, pendant qu'Alvis Fleury se chargeait des personnalités nommées. Les portraits que tu m'avais faits des juges m'ont bien servi, ma chérie. J'ai fait mouche presque à chaque coup.

Hermione hocha la tête avec satisfaction tandis que Ron regardait son assiette vide avec tristesse. Tout le monde comprit le message, et Angelina se dépêcha de débarrasser la soupière et d'amener la suite. Pendant que Percy et Audrey faisaient le service, Ron reprit :

— Wigglesmade, le doyen des magistrats qui présidait la séance, a essayé de faire revoter au bout d'une heure, mais on a fait traîner les choses ce qui nous a permis de gagner quelques voix supplémentaires. King était maintenant en tête, mais c'était encore trop juste. Alors les grands discours ont commencé. D'abord les personnalités, puis les juges et enfin les guildes. C'est moi qui ai parlé pour King et Fletwok pour Higgs. Ensuite, on a eu une nouvelle série de marchandages. Et là, j'ai remarqué quelque chose dont je n'avais pas pris conscience jusque là. Du coup, j'ai compris comment faire gagner King. Maman, c'est toi qui as fait les rognons ?

— Oui, mon chéri, je sais que tu les adores.

— Merci, Hermione ne m'en fait jamais.

— Je sais que je ne pourrais égaler ta mère sur ce chapitre, fit Hermione d'un ton légèrement excédé.

— Tu as fait de grands progrès en cuisine, ma chérie, assura précipitamment Molly.

— Ron aussi, rappela Hermione d'une voix douce. Dis mon cœur, pourquoi tu ne t'en fais pas toi-même ? proposa-t-elle comme si l'idée venait de lui traverser l'esprit alors que c'était au moins la dixième fois que Harry entendait cette discussion.

— Ron ! explosa George, tu nous racontes comment tu as fait gagner Shacklebolt, oui ou non ?

— George, tu devrais reprendre des rognons, assura le maître de guilde. Ça adoucit les mœurs.

— Nous les préparons de façon complètement différente en France, commenta Fleur.

— C'est délicieux aussi, garantit Bill. Maintenant, Ron, tu parles ou ton assiette va voler par la fenêtre !

— Bill, n'oublie pas que les voisins sont Moldus, alors pas de magie intempestive, rappela gravement Arthur pince-sans-rire.

— On n'a pas besoin de baguette pour assommer Ron avec le plat, le rassura Percy en tendant le bras.

— S'il te plaît, Ron, pria Audrey d'un ton doux en retenant son fiancé, dis-nous comment tu as fait.

Ron allait répondre à ses frères, mais la requête de la jeune femme le fit changer d'avis :

— Demandé si gentiment, susurra-t-il en souriant à sa future belle-sœur, je ne puis que m'exécuter.

Les frères de Ron lui lancèrent un regard assassin tandis qu'Hermione levait les yeux au ciel, que Ginny et Angelina se mettaient à glousser et que Molly, Andromeda et Arthur se regardaient, très amusés.

— Donc, reprit Ron, j'ai réalisé que la plupart des conversations tournaient autour des nouveaux produits et des habitudes que cela entraînait, avec les arguments pour ou contre toutes ces innovations.

— Merveilleux ! apprécia Arthur tandis que Percy hochait la tête avec enthousiasme.

— Oui, c'est du bon boulot, commenta Ron en retour.

— Audrey, requit suavement Harry, tu veux bien demander à Ron de nous expliquer de quoi il parle ?

Ron lança un clin d'œil à son meilleur ami et continua sans davantage se faire prier :

— Les autres années, c'étaient surtout des tractations entre personnes, du genre : je peux faire ça pour toi si tu fais ça pour moi. Mais grâce aux efforts que Kingsley fait depuis dix ans pour éradiquer la corruption, on se retrouve avec des votants plus concernés par le futur du monde sorcier que par ce qu'ils pourraient obtenir en échange de leur voix.

— Il n'y a pas que ça, jugea Hermione. Ils savent qu'ils auront à rendre compte auprès des sorciers de la rue du choix de société qu'ils ont fait en désignant le ministre. Ils votent enfin pour un programme et non seulement pour une personne.

— Je suis certaine qu'AlterMag y est pour beaucoup, affirma Ginny avec force. Ton idée a payé, Hermione !

— C'est toute la dynamique du ministère et des guildes qui a permis au débat de devenir public, objecta l'amie de Harry. C'est grâce à tous ceux qui ont tenté de rendre le monde sorcier meilleur durant toutes ces années...

Sa voix s'étrangla. Des larmes perlèrent de ses yeux et se mirent à couler sur ses joues. Personne ne parla jusqu'à ce que Teddy, qui essayait depuis le début du repas de suivre la conversation, ne demande :

— Pourquoi tu es triste, Hermione ? On n'a pas gagné ?

— Elle mesure sa victoire, dit doucement Andromeda. Ça fait pleurer aussi.

On en profita pour amener les plats suivants sur la table. Une fois la jeune femme remise, Ron lâcha sa main qu'il avait saisie et reprit son récit :

— Quand j'ai compris que les préoccupations se focalisaient autour de la volonté ou de la peur du progrès, j'ai refait un tour parmi toutes les guildes avec une proposition. Même Fletwok n'a pu complètement la décliner : c'était tellement dans notre intérêt à tous qu'elle ne pouvait pas décemment refuser.

Ron leur sourit d'un air espiègle, manifestement très content de lui :

— J'ai adressé une sollicitation au doyen pour prendre la parole et j'ai annoncé que, le plus tôt possible, tous les maîtres de guilde se réuniraient et décideraient ensemble des limites que nous entendions poser pour que les nouveautés ne bouleversent pas inutilement notre monde. J'ai fait valoir que Kingsley Shacklebolt nous avait laissé une large marge de manœuvre ces dernières années et qu'il n'y avait pas de raison que cela change, alors que nous ne savions pas ce que nous réservait Berthold Higgs. Voter pour le ministre sortant garantissait donc que les innovations ne seraient ni arrêtées brutalement ni imposées sans concertation. J'ai ensuite rappelé que la politique menée depuis la guerre à l'égard des créatures pensantes n'avait pas amené de révolution, et que nous conduire correctement envers elles ne nous coûtait rien et était tout à notre honneur.

Ron accepta la proposition de Fleur de lui remplir son verre d'ambroisie et continua :

— Là, il y a eu un grand chambardement. Les partisans de Higgs ont compris que ma présentation de Kingsley comme garantissant un pouvoir plus souple et plus à l'écoute des opinions des autres leur avait fait perdre tous les indécis. Il y a eu un tel chahut que le doyen a suspendu la séance une demi-heure. Nous l'avons exploitée en parlant à ceux que nous venions de gagner à notre cause et en leur assurant que nous saurons écouter les opinions de notre communauté. En réalité, il y a des désirs tellement contradictoires qu'on ne pourra pas faire plaisir à chacun, mais grâce aux débats publics des derniers mois, on commence à avoir une idée assez claire de ce qu'il faut garder en état et de ce qui doit continuer à évoluer. Pas mal ce petit vin, Fleur, tu l'as fait venir de France ?

Fort de la confirmation de sa belle sœur, Ron conclut :

— À la reprise des débats, ceux qui étaient pour Higgs ont fait des manœuvres dilatoires, espérant faire remettre le vote au lendemain pour se donner un délai supplémentaire et rattraper le coup. Mais le doyen Wigglesmade a été très ferme et, une heure après, on a pu procéder au vote et King est passé.

— Tout est bien qui finit bien, soupira Molly avec satisfaction.

Tout en commentant le récit de Ron, la famille termina de manger et commença à débarrasser la table. Ron en profita pour réactiver son miroir qu'il avait réduit au silence depuis qu'il était entré dans la salle des délibérations. L'objet se mit à sonner immédiatement et le maître de guilde ne put le lâcher par la suite. Il ne put dire au revoir à ses invités, se contentant de les saluer de la main.

— Je parie que les trois quarts des sorciers seront au courant des résultats de l'élection, avant même les premières éditions du matin, remarqua Angelina.

— Ils doivent déjà avoir été annoncés à la radio, de toute manière, rappela Ginny. Des journalistes devaient attendre aux portes de la salle de délibération. Mais c'est vrai que, pour Ron, c'est infiniment plus confortable que devant une cheminée, ajouta-t-elle en montrant d'un mouvement de tête son frère assis sur un fauteuil.

— Bon, allons nous coucher, bâilla Harry. On va faire de beaux rêves.

*

Trois semaines plus tard se déroula le procès de Wilhelm Wigworthy. Le Magenmagot avait attendu que l'émotion des incendies et la passion des élections s'apaisent pour tenir son audience. La salle était cependant pleine à craquer, les sorciers désirant voir celui qui les avait fait trembler durant de longues semaines.

L'arrivée de l'incendiaire fit naître des huées, obligeant le juge-président à menacer de faire évacuer la salle et de prononcer le huis clos. Harry se sentit mal à l'aise en revoyant l'homme amaigri par sa détention. Le regard lointain de celui-ci, son indifférence devant ceux qui le conspuaient était dérangeants. Harry avait encore en mémoire l'odeur des cendres qu'il avait remuées pour trouver ses indices, mais ne parvenait pas à haïr le criminel.

La foule s'apaisa et l'audience put débuter. Les victimes défilèrent pour témoigner de la violence et de la dangerosité des incendies déclarés chez elles. Puis Harry exposa les preuves qui avaient été accumulées à l'encontre de Wigworthy. Vint alors le tour de la défense. Elle commença par évoquer le passé douloureux de son client, avant de faire témoigner Hypocrate Dalemberg, qui avait examiné Wilhelm Wigworthy quelque temps avant le procès.

— Alors qu'il était parfaitement guéri quand il est sorti de chez nous, l'état mental de cet homme s'est dégradé ensuite, affirma-t-il d'un ton supérieur comme pour défier la Cour de mettre en doute sa décision de le laisser partir. Je préconise son réinternement immédiat dans mon service des maladies magiques.

Les juges-mages se retirèrent pour délibérer. Au terme d'une demi-heure, ils étaient de retour et le juge-président signifia :

— Il nous apparaît au vu des diverses déclarations que Wilhelm Wigworthy est bien coupable d'incendies volontaires ayant causé la mort d'une personne et gravement intoxiqué deux autres. Il est en outre responsable de gros dégâts matériels. À la lecture des auditions de son interrogatoire par les Aurors, il est établi que Wilhelm Wigworthy ne présente aucun signe de remords pour le mal qu'il a causé. De par ce comportement auquel s'ajoute le témoignage du Dr Dalemberg, il apparaît à la Cour que Wilhelm Wigworthy n'est pas totalement sain d'esprit et qu'il est inapproprié de l'envoyer dans l'établissement pénitentiaire d'Azkaban. Il est cependant impensable de le laisser en liberté à cause de la dangerosité qu'il représente. La Cour ordonne son internement à vie dans une structure propre à s'occuper de son état, à savoir l'hôpital Ste-Mangouste. La séance est levée.

L'assistance bruissa de commentaires dès la sortie des juges. Harry se sentit étrangement soulagé et déçu par ce verdict. Sans doute était-ce une décision particulièrement juste dans le sens où elle prenait en compte les deuils subis par Wilhelm Wigworthy. Mais, d'un autre, côté il n'était pas certain que l'homme soit réellement dément. Son obsession pour la vengeance, son insensibilité à la douleur des autres et sa froide détermination n'était pas sans rappeler à Harry les Mangemorts qu'il avait croisés.

Harry secoua la tête et se leva lentement. Il avait fait son devoir, il devrait s'en contenter.

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