XXXV : Prendre le pouls du QG

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Chronologie :
2 mai 1998 : Bataille de Poudlard
26 décembre 2003 : Mariage de Harry et Ginny
20 juin 2004 : Election de Ron à la tête de la guilde de l'Artisanat magique
17 juillet 2005 : Naissance de James Sirius Potter
04 janvier 2006 : Naissance de Rose Weasley
26 juin 2006 : Naissance d'Albus Severus Potter
16 mai 2008 : Naissance de Lily Luna Potter
28 juin 2008 : Naissance de Hugo Weasley
Période couverte par le chapitre
: 13 janvier au 29 novembre 2010

Il avait été convenu avec Stanislas Pritchard qu'il ne viendrait travailler au QG qu'au début de la semaine suivante, le lundi 13 janvier. En effet, l'ancien Auror ne voulait pas laisser tomber brutalement son beau-frère qui lui avait si généreusement offert un poste dans son entreprise.

Harry annonça la nouvelle à Janice dès le lendemain de son entretien avec l'intéressé. Celle-ci parut soulagée qu'il ait trouvé une solution à son problème. Harry indiqua avec délicatesse que dans cette nouvelle configuration sa fonction de commandant en second n'avait plus de raison d'être. Elle retrouverait son ancien grade de chef de brigade, tout en conservant ses émoluments actuels. L'Auror se montra parfaitement satisfaite de cet arrangement.

Harry alla ensuite voir Kingsley Shacklebolt. Le ministre était en train de se préparer à aller en réunion mais prit le temps d'écouter son nouveau commandant des Aurors :

— Tout se passe bien ? demanda-t-il.

— J'ai réalisé que je n'étais pas fait pour me cantonner au travail administratif..., commença Harry.

— Il y a tout un travail d'organisation qui pourrait te plaire, l'interrompit le ministre qui semblait croire que Harry était en train de lui présenter sa démission.

— Je n'ai pas l'intention de te laisser tomber, le rassura Harry. Je voulais simplement t'informer que j'ai fait évoluer le poste de commandant en second et que j'ai demandé à Stanislas Pritchard de tenir ce rôle.

Kingsley, qui s'apprêtait à continuer d'argumenter pour convaincre Harry du bien-fondé de sa nomination, resta un moment la bouche entrouverte avant de se fendre d'un grand sourire :

— Je savais que tu te débrouillerais très bien, affirma-t-il avec force. Excellente décision ! J'approuve totalement. Je dois te laisser car je suis en retard, mais n'hésite pas à revenir avec d'aussi bonnes nouvelles !

Il fila, l'air réjoui, ce qui fit sourire Harry. Il ne me reste plus qu'à trouver la façon de remercier Owen pour ses bonnes idées, songea-t-il.

*

Harry avait demandé à Stanislas de se présenter à dix heures du matin. À neuf heures, quand tout le monde fut arrivé et les équipes pas encore parties sur le terrain, il attira l'attention de ses subordonnés :

— J'ai décidé de nommer un adjoint qui restera continuellement au bureau et qui sera déchargé de toute enquête, commença-t-il.

Il vit les regards se tourner vers Janice. Les Aurors se demandaient visiblement comment elle allait prendre une modification aussi drastique de ses fonctions. Celle-ci lança un clin d'œil discret en direction de son commandant.

— J'ai choisi pour cette tâche Stanislas Pritchard, qui m'a fait l'honneur d'accepter ce poste, continua Harry savourant la surprise qu'il leur faisait. Il sera là dans une heure.

Après une seconde de silence surpris, des bravos s'élevèrent et un brouhaha intense envahit la pièce. À la mine réjouie des membres de la brigade, Harry se dit qu'il aurait dû attendre la présence de sa nouvelle recrue pour annoncer la nouvelle. Il aurait mérité de voir avec quel plaisir son retour était accueilli par ses collègues. Il sourit à ceux qui vinrent lui témoigner leur approbation, puis s'occupa de récupérer une table dans la grande pièce pour l'installer dans son bureau.

— Tiens, c'était son siège, indiqua Janice tout en faisant léviter un fauteuil dont le dossier était tout craquelé.

— On pourrait trouver mieux, non ? opposa Harry. Il a droit à du matériel neuf.

— Tu plaisantes ? Il a mis des mois à mettre au point les sortilèges pour le rendre confortable et pour l'adapter spécifiquement à sa carrure. Pourquoi crois-tu que personne n'en a voulu ? Il n'y a que lui qui se sente bien dedans.

Harry, qui avait cru que c'était par respect envers son mentor, dut reconnaître que, même s'il avait gardé un contact étroit avec lui, cela ne remplaçait pas tout à fait vingt ans de carrière commune. Il installa donc la vieillerie devant le bureau. Après réflexion, il laissa la table nue. Y empiler tout ce qu'il espérait voir traiter par son adjoint était une façon un peu rude de l'accueillir. Il vaudrait mieux lui passer les dossiers les uns après les autres.

Une clameur lui indiqua que Pritchard venait de franchir le seuil de la grande pièce. De la porte de son bureau, il regarda la brigade faire la fête à leur ancien collègue et nouveau commandant adjoint. En voyant Muldoon serrer la main de Stanislas, il se dit qu'il avait sans doute marqué un point à son égard. L'irascible Auror ne pourrait pas reprocher à Harry de permettre à un collègue malmené de retrouver non seulement sa place, mais aussi sa fierté. Harry savait que jamais Muldoon ne l'admettrait devant lui, mais cela lui fit plaisir quand même.

Pour le moment, son opposant faisait profil bas et ne paraissait pas prêcher la révolte. Mais le nouveau commandant avait remarqué qu'il s'arrangeait pour ne jamais avoir à prendre ses ordres de lui, préférant envoyer son binôme, Christopher Summers, avec qui Harry s'entendait assez bien. Le Survivant respectait cette distance, mais il savait que c'était reculer pour mieux sauter. Un jour, il faudrait bien qu'il affronte Muldoon et qu'il affirme son autorité sur son subordonné récalcitrant.

Harry laissa les Aurors accueillir l'arrivant comme il le méritait. Puis il s'avança à son tour et marqua officiellement la réintégration de Stanislas Pritchard chez les Aurors d'une vigoureuse poignée de main, avant de l'entraîner dans son bureau.

— Je t'ai installé avec moi, ça te va ? demanda Harry qui ne voulait pas avoir l'air de lui donner des ordres. J'ai pensé que ce serait bien qu'on soit à proximité l'un de l'autre.

Stanislas ne répondit pas, trop occupé à contempler les piles de parchemins et de papiers que Harry avait passé les jours précédents à trier. Il s'avança et déchiffra ce qui se trouvait sur les documents du dessus, toujours sans paroles. Harry le regarda agir, sans oser faire de commentaire. Il espéra que son nouvel adjoint n'allait pas repartir aussitôt, déçu par les perspectives qui s'ouvraient à lui.

— Tu as effectivement besoin d'un coup de main, évalua finalement Pritchard. Bon, je suppose que c'est là que je m'assois.

Il rejoignit la table qui avait été dressée pour lui et sortit de son aumônière le plumier, la bouteille d'encre et tout le petit matériel que Harry avait toujours eu l'habitude de lui voir utiliser. Il se laissa ensuite tomber sur son siège. Le soupir de satisfaction qu'il poussa en s'y calant assura à Harry qu'il avait bien fait de suivre l'idée de Janice.

Avec sa baguette, Stanislas fit ensuite venir à lui la pile la plus proche et entreprit de lire le premier courrier. Harry comprit qu'il pouvait retourner à ses propres affaires.

À la fin de la semaine, plus aucun document n'était en souffrance. Les deux hommes avaient en outre mis au point un nouveau système de classement qui leur convenait mieux que celui adopté par leur prédécesseur.

— Tu ne dois pas hésiter à t'organiser à ta façon, avait affirmé Stanislas. C'est toi qui seras embêté si tu ne trouves pas le justificatif qu'on te demande.

Harry en profita pour aborder un point qui lui tenait à cœur :

— Je n'aime pas travailler séparé des autres. Je voudrais savoir qui est beaucoup allé sur le terrain, qui a l'air fatigué, qui semble ne pas s'en sortir avec son dossier. Je ne peux pas passer mon temps sur le seuil de mon bureau.

— Les équipes ont besoin de pouvoir parler librement et décompresser loin des oreilles officielles, rappela Stanislas. Tu es leur chef, maintenant.

— Je sais, soupira Harry, mais l'atmosphère de la grande salle me manque.

Après réflexion, ils déménagèrent quelques meubles pour libérer de ses éléments hauts le mur qui les séparait du reste de la brigade. Ils y laissèrent les meubles bas et transformèrent la partie supérieure de la cloison en une large baie vitrée. Ainsi, quand Harry était installé à son bureau, l'autre pièce lui était dissimulée par la partie basse du mur, maintenant ainsi la séparation indispensable entre le commandant et ses subordonnés. Par contre, quand il se levait, il pouvait voir si la personne à qui il voulait parler était dans la pièce et disponible – tout en étant visible de ceux qu'il parcourait du regard, car son but n'était pas de les espionner, comme l'avait fait la terrible Ombrage avec l'œil de Maugrey.

Par ailleurs, Harry enchanta sa porte pour qu'elle se maintienne ouverte quand il était dans la pièce. Il ne la fermerait que quand il parlerait avec un visiteur. Ainsi, sans forcément distinguer ce qui se disait, il pouvait à l'oreille prendre le pouls du QG.

*

Grâce à sa nouvelle organisation, Harry était de nouveau disponible pour la vie de famille. Il pouvait câliner Lily avant qu'elle n'aille se coucher et jouer un peu avec les garçons. Il écrivit également une longue lettre à Teddy qu'il n'avait pu raccompagner au train après les fêtes de Noël.

Ginny entreprit de voyager régulièrement pour s'initier à la façon dont les magies diverses étaient enseignées dans les écoles sorcières du monde. Elle apprécia l'emploi du temps allégé de son mari, car elle estimait que confier les enfants aux elfes toute la soirée était indigne de parents responsables. Harry était persuadé que tout se passerait très bien, mais il savait que les enfants seraient déçus de ne pas voir au moins l'un d'eux. Il s'arrangeait donc pour rentrer plus tôt les jours où Ginny était au loin. Stanislas, dont les enfants étaient maintenant de jeunes adultes, ne voyait aucun inconvénient à tenir la boutique un peu plus tard.

Pritchard prenant en charge la plus grande part du travail administratif, Harry put se consacrer à des activités annexes. Il se mit notamment à lire les dossiers concernant ses subordonnés. Ces documents commençaient par une enquête de moralité portant sur le candidat Auror ainsi que sa famille. Il y avait ensuite le compte rendu de l'entretien de personnalité qui décidait si l'intéressé serait ou non admis comme aspirant. Ensuite, on trouvait les notes écrites par les mentors qui évaluaient régulièrement leur protégé, ainsi que les trois examens validant leurs étapes vers la titularisation.

Faucett et ses prédécesseurs avaient régulièrement porté des appréciations sur chacun des hommes et femmes qui constituaient la brigade. Les inimitiés connues entre les Aurors étaient également notées, aide précieuse quand il s'agissait de former de nouveaux binômes. Enfin, Harry se rendit compte que Janice avait été chargée d'évaluer le niveau en duel de chacun et de noter leur progrès au cours des entraînements prodigués par Harry chaque samedi matin.

Harry avait décidé de lire les dossiers en commençant par les plus anciens. Six Aurors avaient au moins cinquante ans et avaient combattu lors de la première guerre de Voldemort. Dix autres avaient plus de trente-cinq ans et avaient connu la Seconde Guerre. Parmi les plus jeunes, six étaient entrés juste après la dernière guerre mais avaient combattu lors de la bataille de Poudlard. Il y avait en outre quatre Aurors entrés en même temps que Harry et cinq recrutés ensuite.

Sept ans séparaient l'entrée du dernier Auror ancienne génération et la nouvelle vague de recrutements opérée après la guerre. Harry se souvenait très bien de son entretien d'orientation avec la professeure McGonagall. Celle-ci l'avait mis en garde contre la difficulté d'entrer dans le corps d'élite. Elle avait alors précisé que les embauches étaient gelées depuis plusieurs années déjà. Avec le recul, Harry comprit que, la paix étant revenue, les chasseurs de magie noire n'avaient plus besoin d'être aussi nombreux. Scrimgeour, le commandant de l'époque, avait alors cessé de remplacer les départs.

C'est ainsi que le retour de Voldemort était intervenu alors que les effectifs étaient trop bas pour faire face aux nombreux actes de terrorisme qui avaient caractérisé la période troublée. Cela expliquait pourquoi Scrimgeour, devenu ministre, avait tant tenu à faire alliance avec Dumbledore : ce dernier aurait pu lui fournir des adultes aguerris et dont la détermination à vaincre Voldemort ne pouvait être mise en doute.

Cela amena Harry à réfléchir sur l'entretien qu'il avait eu le jour de Noël 1996 avec Scrimgeour, dans le jardin des Weasley. Avait-il bien fait de rejeter la proposition de Scrimgeour ? C'était par allégeance envers son directeur, mais le directeur avait-il eu raison de vouloir faire cavalier seul ? Harry comprenait que le vieil homme protégeait les membres de l'ordre du Phénix en refusant de livrer leurs noms à une personne pouvant être trahie par des collaborateurs travaillant au ministère. Ils auraient cependant pu mettre leurs forces en commun de nombreuses façons.

Il est vrai que la collaboration n'était pas dans les habitudes d'Albus, ainsi qu'Abelforth l'avait fait remarquer. Il aimait être le seul à tirer les ficelles et garder pour lui ses secrets pour mieux manipuler son entourage. Les choses se seraient-elles mieux passées si le directeur avait agi autrement ? Comment le savoir ? Les yeux dans le vague, Harry sourit : même si l'aura de perfection et d'infaillibilité s'était ternie, son affection pour le vieil homme ne s'était pas démentie avec le temps.

La lecture des dossiers lui réserva des surprises : Muldoon, avec qui il avait tellement de mal à s'entendre, s'était révélé un Auror de choix durant la Première Guerre. Il avait à son actif de nombreuses arrestations et sa maîtrise du duel avait sauvé la vie de ses camarades à de nombreuses reprises. Cela expliquait l'attachement que lui portaient ses collègues de la même génération, malgré son caractère difficile et ses opinions bornées. Harry dut aussi reconnaître que son subordonné, s'il était élitiste et sexiste, n'avait jamais laissé entendre qu'il appréciait Voldemort et sa prise de pouvoir illégitime durant la Seconde Guerre. S'il n'avait pas déserté comme Pilgrim et Summers, il n'avait pas non plus fait d'excès de zèle.

Les autres Aurors de l'ère Scrimgeour qu'il avait désormais sous ses ordres avaient tous montré leurs capacités à défendre leurs concitoyens durant une, voire deux guerres. Ils avaient en outre été irréprochables durant l'année des Ténèbres. Cela n'avait pas été le cas pour la dizaine d'hommes que Faucett avait récusés en 1999, onze ans auparavant. Harry y vit une raison supplémentaire à son envoi à Poudlard après la guerre. Kingsley avait voulu le tenir à l'écart de cette période troublée qui avait dû plomber l'ambiance du QG.

Les seize plus jeunes recrues avaient aujourd'hui entre vingt-cinq et trente ans. Faucett avait fait entrer douze Aurors en deux ans, puis seulement cinq les neuf années suivantes. Il avait ainsi profité au mieux de candidats ayant vécu la guerre et acquis une expérience qu'aucun cours ou entraînement ne pouvaient remplacer. Ensuite, il avait ralenti les embauches, considérant qu'une trentaine d'Aurors suffisait pour traiter la magie noire, les trafics et les homicides.

Harry pouvait se féliciter de la brigade qui lui avait été confiée : il avait de vieux briscards avec énormément d'expérience, ainsi que des jeunes pleins d'énergie qui n'ignoraient pas les effets dévastateurs de l'usage banalisé de la magie noire. Un tiers des effectifs s'étaient battus à ses côtés où était entré la même année que lui dans la brigade. Ils constituaient un noyau dur sur lequel il pourrait s'appuyer pour faire passer ses réformes les plus innovantes. La présence de Pritchard serait également précieuse pour trouver les arguments propres à convaincre les plus conservateurs et évaluer les limites à ne pas dépasser sous peine de perdre tout son crédit auprès d'eux.

Harry savait que ses fonctions n'étaient pas de tout repos, mais il était reconnaissant à ceux qui avaient fait leur possible pour qu'il ait les meilleures cartes en main.

*

La troisième semaine de février, Ginny et Andromeda partirent pour la Mongolie où des mages tibétains avaient accepté de les recevoir. Elles venaient à peine de rentrer quand Molly appela pour leur apprendre qu'Audrey avait ressenti les premières douleurs, et que Percy l'avait emmenée à Ste-Mangouste.

Ce fut l'occasion d'une réunion impromptue de toute la tribu au Terrier. À onze heures du soir, Percy arriva par cheminée et leur annonça la naissance d'une petite Molly junior.

La grand-mère paternelle resta interdite quand elle apprit le prénom que porterait sa petite-fille. Le nouveau père s'en expliqua :

— Ginny a eu le prénom de la mère de Papa et elle m'a dit qu'elle se sentait particulièrement rattachée à sa famille par ce lien supplémentaire. Je sais que ma fille aura toutes les raisons d'être fière d'avoir le même nom que sa grand-mère.

Molly en larmes prit son fils dans ses bras. Harry se dit que, décidément, Percy faisait beaucoup pleurer sa mère.

*

À la fin du mois de mars, le temps des voyages prit fin. Il était temps pour les trois entrepreneuses de décider concrètement ce qui serait présenté dans leur musée et sous quelle forme.

Leur quartier général s'établit Square Grimmaurd, dans la bibliothèque dont Harry se sentit un peu délogé. Il n'avait plus accès à son bureau qui croulait sous les papiers et les ouvrages traitant de magies étrangères. Même chercher un livre l'exposait à subir l'épreuve d'un véritable parcours du combattant. Il fallait contourner les piles de documents sans les ébranler pour ne pas les recevoir sur la tête. Des sorts de soutènement avaient été lancés pour consolider le tout, mais Harry trouvait un peu fort de devoir utiliser sa baguette pour récupérer un roman.

— Je vais donner mon prochain entraînement ici, annonça-t-il un jour après avoir échappé de peu à une pile branlante. Mon unité apprendra ainsi à progresser en terrain hostile.

— Bonne idée, soutint Ginny sans paraître vexée le moins du monde. S'ils pouvaient me retrouver Pratiques incas et spiritisme, ce serait bien. Je n'arrive pas à mettre la baguette dessus.

*

Quatre mois furent nécessaires aux apprenties conservatrices pour terminer leurs maquettes. Chaque dimanche, la famille était sollicitée pour donner son avis sur les croquis réalisés par Andromeda. Celle-ci avait un joli coup de crayon – c'était elle qui réalisait les modèles des broderies qui égayait les vêtements de son petit-fils ainsi que les tapis, rideaux, draps de sa maison et des foyers de toute la famille. Fleur s'était révélée pleine d'idées pour expliquer les magies qui ne leur étaient pas familières avec un discours didactique et accessible aux plus petits. Cela n'étonna personne car elle avait initié les enfants de la famille à des activités complexes comme les échecs et les jeux de cartes. Ginny, quant à elle, portait le projet à bout de bras, insufflant énergie et enthousiasme à sa petite équipe.

Toute la famille finit par se passionner pour ce projet. Grands et petits servaient volontiers de cobayes pour la présentation des différents thèmes, posant des questions qui permettaient aux trois créatrices d'affiner leurs démonstrations.

Victoire et Dominique apprécièrent particulièrement le Tarot marseillais et passaient des heures à s'inventer des avenirs où se croisaient les princes hindous et marabouts africains. La magie amérindienne remporta un vif succès auprès des petits, la danse de la victoire devenant une conclusion incontournable aux divers jeux où ils s'affrontaient.

Celle de la pluie, exécutée dans le jardin du Terrier un dimanche, fut suivie d'averses torrentielles qui durèrent plusieurs jours. Les parents feignirent d'en donner le crédit à leurs enfants et protestèrent énergiquement quand les enfants se précipitèrent la semaine suivante sur la pelouse boueuse pour réitérer leur exploit.

*

Au début du mois de juillet, en présence de Teddy qui était revenu pour les grandes vacances, la tribu eut droit à une présentation du projet définitif. Forte de l'approbation générale, Ginny annonça que, durant l'été, elles arrêteraient leur travail et viendraient comme les années précédentes s'installer au Terrier avec enfants et bagages.

Ces deux mois en famille leur apportèrent entière satisfaction. Teddy fut autorisé à inviter ses amis : son copain David et la petite Isabel vinrent passer deux semaines avec eux à la fin du mois de juillet. Même après un an à Poudlard, la petite sorcière spontanée fut émerveillée par son séjour dans une famille magique.

Dans un premier temps, Victoire ne vit pas d'un bon œil l'arrivée de l'autre petite. Habituée à être la plus âgée des filles et même l'aînée des enfants depuis le départ de Teddy, la présence d'une adolescente ayant deux ans de plus qu'elle fut considérée comme une intrusion regrettable. Elle se montra donc très froide envers la nouvelle venue pour commencer. Isabel, cependant, parvint à lui prouver qu'elle ne cherchait pas à prendre une place qui n'était pas la sienne, approuvant toujours sans réserve les propositions de Victoire, ne lui disputant pas les meilleurs rôles. Au quatrième jour, l'aînée de Bill et Fleur consentit à accepter comme amie la jeune Isabel, qui sut montrer qu'elle était consciente de l'honneur qu'on lui faisait. À la fin de la première semaine, les deux fillettes étaient devenues inséparables. Victoire prenait même modèle sur la grande, imitant ses attitudes et sa manière de se coiffer.

Tout au long de l'affrontement, Teddy et David étaient restés les plus neutres possible. Ils étaient assez mûrs pour savoir que se mêler de ce qu'ils qualifiaient – à tort – d'histoires de filles ne leur apporterait que des ennuis. Les plus petits ne s'étaient rendu compte de rien. Seule Dominique avait paru mesurer les forces en présence mais n'avait pas pris parti non plus.

Les adultes, qui s'étaient bien gardés d'intervenir puisque leur invitée ne paraissait nullement avoir besoin d'aide, commentèrent la situation avec amusement :

— On a de la chance qu'Isabel n'ait pas un caractère trop affirmé, remarqua Arthur.

— Oh, je ne suis pas certaine qu'elle soit si docile, affirma Fleur. Elle a juste voulu avoir la paix avec Victoire et lui a donné ce qu'elle attendait. Si les circonstances changeaient, je ne serais pas surprise qu'elle soit capable de prendre la tête d'un groupe.

— N'est-ce pas donner beaucoup d'arrière-pensées à cette petite fille ? s'étonna George. Elle n'a que douze ans.

— Mais elle est à Serdaigle, lui rappela Andromeda. Dans cette maison, on apprend à évaluer la situation avant de brûler ses cartouches. L'esprit plutôt que la force.

Harry convint en lui-même que la fillette faisait honneur à la Fondatrice : sans être pédante comme l'avait été Hermione, elle semblait s'intéresser à tout et n'hésitait pas à demander des explications. Il appréciait avoir deux enfants supplémentaires autour de lui, d'autant qu'ils étaient assez jeunes pour ne pas être impressionnés par son nom et sa réputation. Tous deux lui parlaient avec naturel, avec cependant la politesse que confère une bonne éducation.

Quand le séjour des amis de Teddy arriva à sa fin, leurs parents furent invités à passer un après-midi au Terrier – Andromeda alla chercher les parents d'Isabel au Chaudron Baveur et leur fit prendre la cheminée pour la première fois de leur vie. Ils ne se quittèrent pas sans avoir arrêté une date pour aller tous ensemble acheter leurs fournitures scolaires sur le Chemin de Traverse.

*

Le mois d'août passa trop vite au goût de tout le monde, et ils se retrouvèrent finalement pour un dernier repas estival.

— Alors, pour le musée de la Magie, vous vous attaquez à quoi, maintenant ? demanda Arthur aux intéressées.

— On présente notre projet et on lève les fonds, résuma Ginny.

— Allez-vous emprunter de l'argent aux Gobelins ? s'informa Bill.

— Avec les taux qu'ils pratiquent ? s'indigna Fleur. Seulement si on ne peut pas faire autrement.

— Mais nous ferons tout pour ne pas y être contraintes, renchérit Andromeda.

— On va commencer par démarcher les guildes, indiqua Ginny. À propos Ron, puis-je compter sur la guilde des Artisans ?

Dans le monde sorcier, il n'y avait pas de montages financiers comme du côté moldu ni de constitution de personne morale. Pour mener à bien leurs grands projets, les entrepreneurs devaient convaincre un ou plusieurs mécènes de l'intérêt de leur idée et se portaient personnellement caution d'un éventuel échec de leur action.

Ainsi, familles, guildes, sorciers ayant réussi socialement acquéraient notoriété et influence en participant aux actions menées par les plus audacieux. La famille Bonham, par exemple, avait une excellente renommée suite au don généreux qui avait permis l'existence de la fondation de Ste-Mangouste. De même, les Malefoy avaient siégé très longtemps au conseil d'administration de Poudlard, grâce à des fonds judicieusement placés.

— C'est mon conseil que tu devras convaincre, répondit Ron à sa sœur. Je n'ai pas l'intention de participer à ce vote, ni même aux délibérations.

— Cela me va très bien, assura Ginny. Je ne veux pas qu'on puisse insinuer que j'ai eu l'argent parce que je suis ta sœur.

*

L'audition des trois femmes par le conseil des Artisans se passa très bien. La volonté de la guilde d'être à la pointe de l'innovation magique les incitait à leur prêter une oreille favorable – ainsi que de l'argent.

La guilde des Imprimeurs, qui chapeautait l'écrit, l'édition et l'éducation, se laissa également convaincre que son devoir était de participer au rayonnement de la connaissance.

La guilde des Tournois et Ménestrels fut à son tour sollicitée. Ce ne fut pas des gallions que les trois femmes demandèrent, mais une participation en nature pour la mise en place des moyens pédagogiques prévus : tableaux expliquant l'usage des objets exposés devant eux et répondant aux questions des visiteurs ainsi que des pantins animés pour raconter la vie des grands inventeurs ou retracer les faits marquants de l'histoire des sorciers.

Fleur suggéra d'ajouter à ce qui avait été prévu un topo sur les transports magiques, ce qui intéressa la guilde des Éleveurs et des Équarisseurs, pourvoyeurs des chouettes et autres volatiles messagers. La guilde des Tisserands accepta de fournir les robes d'un autre temps ou d'un autre lieu que devaient vêtir les figurines. La guilde des Herboristes leur fournit des pièces à exposer : des objets ayant appartenu à Albert le grand et Paracelse, et un incunable d'un traité d'alchimie de Jahir ibn-Hayyan.

La guilde de la Table ne se sentit pas concernée par le musée, mais convint que l'idée d'installer une cafétéria pourrait être envisagée, mais seulement après l'ouverture. Elle préférait garder ses fonds pour d'autres projets.

Les trois entrepreneuses se montrèrent satisfaites des résultats obtenus et se sentirent fortement encouragées à continuer.

*

L'étape suivante fut d'associer le ministère de la Magie. Logiquement, c'était le département de la Coopération magique qui était le plus à même d'être intéressé. Cependant, le fait que son directeur soit le frère et le beau-frère des responsables du nouveau projet pouvait laisser soupçonner un régime de faveur.

Percy porta donc la question de l'engagement du ministère devant le Conseil des chefs de département et s'abstint, ainsi qu'Arthur, de prendre part à la décision. À l'issue du vote, Percy reçut de ses pairs le droit d'assister les démarches de Ginny à l'étranger en vue de récupérer du matériel magique exotique, ainsi que d'établir des partenariats avec les autres pays si l'idée faisait des émules. Il fut également décidé de mettre à disposition du musée le manoir Lestrange, confisqué après la guerre, et que personne n'avait voulu habiter. Il faisait donc toujours partie du patrimoine du ministère qui s'engagea à ne pas demander de loyer les deux premières années.

Percy et Arthur, qui étaient venus eux-mêmes l'annoncer à Ginny, étaient encore présents quand Harry rentra chez lui ce soir-là.

— On a un endroit pour exposer, l'accueillit Ginny avec un grand sourire. On peut commencer les travaux quand on veut.

— Il va falloir que tu apprennes à décrire précisément le travail que tu attends des artisans et définir de qui tu vas avoir besoin, indiqua Percy qui semblait compléter une longue liste de recommandations, si Harry en jugeait à l'air contraint de Ginny.

Celle-ci cependant écoutait son frère avec attention, sachant parfaitement qu'il était de bon conseil et qu'elle avait besoin de tous les avis avisés qu'on pourrait lui fournir.

— Viens au bureau de l'Artisanat magique, lui conseilla Ron quand elle lui en parla le dimanche suivant. On y trouve des modèles d'appel d'offres, ainsi que l'annuaire des artisans. Il y a aussi des salles qui sont mises à disposition de ceux qui en ont besoin pour les rencontres professionnelles.

— Allez-vous embaucher un briseur de sorts pour assurer la sécurité de votre collection ? s'enquit Bill. Ça m'intéresse.

Bill travaillait toujours ponctuellement pour le ministère. Cela faisait longtemps que les objets confisqués aux Mangemorts emprisonnés avaient été rendus inoffensifs – travail pour lequel Bill avait donné sa démission de chez les Gobelins. Depuis, l'aîné des Weasley s'était mis à son compte et tout le monde savait qu'il attendait que son plus jeune enfant, Louis, soit à Poudlard pour repartir travailler en Égypte – sauf Molly qui refusait d'entendre tout projet ayant pour conséquence d'éloigner d'elle l'un des siens. Il était donc engagé par les sorciers pour de courtes missions, mais suffisamment bien payé pour faire vivre confortablement sa famille, à défaut de lui donner les frissons qu'il attendait sans doute de l'exercice de sa profession.

— Je t'enverrai l'appel d'offres, promit Ginny. Mais à tes collègues aussi.

— Fais comme tu veux, je suis le meilleur, répliqua Bill avec assurance.

Deux semaines plus tard, Ginny avait en main toutes les réponses reçues :

— Le pire, c'est que mon frère a raison, affirma-t-elle à Harry. Il est réellement le meilleur. Certains ont autant d'expérience que lui, mais sa connaissance de nos besoins lui a permis de proposer le meilleur projet.

— Choisis-le alors, conseilla Harry.

— Mais c'est de la triche ! protesta-t-elle.

— Tu t'es engagée à l'égard de tes bailleurs de fonds à choisir ce qui convient le mieux au prix le plus juste, lui rappela-t-il. Bill a les compétences, il fera un meilleur travail, tu en auras pour ton argent.

— Solliciter la guilde de mon frère Ron, le département de mon frère Percy, et en plus favoriser la candidature de mon frère Bill, ça fait beaucoup, non ? insista Ginny.

— Ce n'est pas de ta faute si les Weasley sont partout, opposa Harry. Après tous, les autres n'avaient qu'à faire autant d'enfants que tes parents !

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Albert le Grand (1193 – 1280) : alchimiste allemand. S'intéressa à la sublimation et à la séparation des éléments.

Paracelse (né en 1493) : père de la médecine hermétique, c'est lui qui ouvre la voie à la thérapeutique chimique.

Jahir ibn-Hayyan (725 – 812) : alchimiste arabe qui écrit un livre de chimie, et il aurait découvert l'acide sulfurique et l'acide nitrique.


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